Antoine Vauchez
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Au risque d'une crise de confiance sans précédent des citoyens dans l'État dont ils interrogent désormais la légitimité « publique », c'est-à-dire la capacité, voire la volonté, de se faire le relai des intérêts collectifs, et de protéger les citoyens. L'état général d'impréparation dans lequel s'est trouvé l'État au commencement de la pandémie aura servi ici de révélateur ; jetant une lumière crue sur l'action des gouvernements précédents qui avaient suivi une politique de réduction des coûts et d'efficacité gestionnaire au risque de priver les services hospitaliers des masques et des lits d'hôpital nécessaires. Dès lors que le gouvernement ne paraît plus agir en « pouvoir public », plus rien ne semble justifier l'exception étatique qui confère à cette organisation politique un statut dérogatoire et des pouvoirs exorbitants. C'est du reste cette tension qu'a révélé le mouvement des Gilets jaunes, marqué tout à la fois par des attentes fortes à l'égard de l'État des services publics (en termes de qualité et d'égalité d'accès aux hôpitaux, aux transports publics, etc.), et une défiance inédite à l'égard de gouvernants tenus pour responsables de l'échec de l'État à tenir ses promesses « publiques ». Cette crise de confiance ne pouvait pas tomber plus mal alors que nous avons collectivement besoin d'un État et d'une Union européenne capables de conduire, au nom de tous, la conversion écologique de nos sociétés et de nos économies, et alors que nous devons faire face aux conséquences sanitaires, mais aussi économiques et sociales profondes de la pandémie Covid. Manière de dire, en somme, que la réflexion sur le « public » et les liens qu'il entretient avec l'État forme aujourd'hui un préalable à toutes nos discussions sur le changement d'orientations des politiques publiques. Les nouvelles théories démocratiques l'oublient parfois, toutes occupées qu'elles sont à faire apparaître de nouveaux horizons mobilisateurs - qu'il s'agisse de la transition écologique ou des nouvelles formes de démocratie participative. Mais, sans réfléchir à ce que l'État est devenu au fil des trois dernières décennies, ni aux chaînes de dépendance dans lesquelles il inscrit aujourd'hui son action, elles s'exposent au décalage en faisant comme si l'État était ce simple « levier » disponible et mobilisable pourvu qu'on veuille bien lui donner le sens politique voulu. Or il y a précisément lieu d'en douter. C'est pourquoi il faut reprendre le fil du « public » et remettre sur le métier une notion qu'on avait paresseusement abandonnée comme une vieille relique. Il faut faire l'inventaire des glissements de terrain qui se sont produits depuis trente ans et ont fragilisé les soubassements publics de l'État, décrire leurs effets politiques et démocratiques, et explorer les voies possibles d'un nouvel esprit public du gouvernement.
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Le monment régulateur : Naissance d'une contre-culture de gouvernement
Antoine Vauchez
- Presses De Sciences Po
- Academique
- 1 Mars 2024
- 9782724642056
On « régule » beaucoup dans l'État comme à sa périphérie : on « régule » les produits financiers, la concurrence, l'énergie ou encore le numérique. On « régule » aussi au-delà des domaines économiques. Déontologie, données personnelles, temps de parole des candidats à la présidentielle, médicament: l'espace du « régulable » couvre désormais des pans entiers de l'économie et de la société.
Les autorités de régulation (Cnil, Arcom, Autorité de la concurrence, etc.) constituent un nouvel espace de gouvernement où se développe une sorte de contre-culture gouvernementale, un culte de l'efficacité qui passe par la remise en cause des frontières symboliques et pratiques les plus centrales du gouvernement - entre l'administration et le politique, l'européen et le national, le public et le privé. -
L'union par le droit ; l'invention d'un programme institutionnel pour l'Europe
Antoine Vauchez
- Presses De Sciences Po
- References
- 28 Février 2013
- 9782724612851
Loin des travers d'une histoire héroïque de l'Europe en termes de crises ou de traités refondateurs, l'auteur montre pourquoi et comment le droit s'est imposé comme le levier principal par lequel l'Europe a pu s'affirmer comme nouveau centre de pouvoir.
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Au cours des deux dernières décennies, l'Europe n'a cessé de relever le défi d'une démocratisation qui lui permettrait de s'arracher à ses origines technocratiques. Cent fois, l'ouvrage de la politique européenne aura été remis sur le métier, pour combler le « déficit démocratique » de l'Union. Pourtant, rien n'y fait : le fossé entre l'espace des procédures démocratiques et l'espace de la décision politique et économique n'a cessé de s'accroître. La crise de la zone euro, où les urgences économiques semblent avoir pris le pas sur toute autre considération, aura agi comme un révélateur de la crise démocratique qui ne cesse de secouer l'Union européenne. Faisant l'hypothèse qu'une part importante de nos échecs collectifs à réorienter l'Europe tient dans un déficit de connaissance de l'Union telle qu'elle est, cet ouvrage propose une analyse historique et sociologique du « programme d'intégration » européen. L'Europe s'est historiquement construite sur le terrain de l'« apolitique », autour du triptyque formé par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et la Cour de justice de l'Union : dès lors, il est nécessaire de penser sa démocratisation non plus sur le seul terrain d'une parlementarisation de l'Union, mais par le biais de nouveaux liens démocratiques avec ces institutions indépendantes.
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Pour un traité de démocratisation de l'Europe
Stephanie Hennette, Thomas Piketty, Guillaume Sacriste, Antoine Vauchez
- Seuil
- 17 Mars 2017
- 9782021372755
Comment contenir le déferlement de la vague populiste qui risque de balayer nos démocraties ? Comment prévenir l'éclatement de l'Union européenne ?
Pour mettre fin à des politiques disqualifiées, mettre l'austérité en minorité, lutter contre les inégalités, il est urgent de démocratiser la zone euro. Repris par Benoit Hamon, validé par les meilleurs juristes européens, ce projet de traité institue une Assemblée parlementaire de la zone euro. Ce traité peut être adopté en l'état par les pays qui s'y rallieront. Il a été rédigé une équipe pluridisciplinaire composée de juristes, politistes et d'économistes. Le texte du traité est précédé d'une introduction présentant sa mise en oeuvre de façon pédagogique.
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Sphère publique, intérêts privés ; enquête sur un grand brouillage
Pierre France, Antoine Vauchez
- Presses De Sciences Po
- Academique
- 18 Mai 2017
- 9782724620955
Une ministre de l'Économie, ancienne avocate internationale, qui recourt à l'arbitrage privé pour régler le différend de l'État avec Bernard Tapie ; six anciens secrétaires généraux (et adjoints) de l'Élysée qui rejoignent les grands cabinets du barreau d'affaires parisien ; des armadas d'avocats appelés au chevet de l'État pour sécuriser un partenariat public-privé ou pour assurer l'entrée en bourse du groupe Areva, etc.
Si la frontière entre le public et le privé n'a jamais relevé de la ligne claire, le brouillage a pris récemment une ampleur nouvelle. Sous l'effet d'un tournant néolibéral qui a érigé l'État régulateur en acteur clé du gouvernement des marchés privés, une zone de contiguïté et d'échanges sans précédent s'est créée.
Figure récente en pleine ascension, l'avocat d'affaires incarne mieux que tout autre ce nouveau mélange des genres. En suivant le rôle qu'il a acquis aux confins de l'État et du marché, les auteurs de cette passionnante enquête explorent les contours de cette zone grise à la périphérie des institutions politiques et administratives : comment elle est née, comment elle a progressivement prospéré et ce qu'il nous en coûte aujourd'hui, politiquement et démocratiquement.
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La constitution européenne ; élites, mobilisations, votes
Antonin Cohen, Antoine Vauchez
- Universite De Bruxelles
- Etudes Europeennes
- 23 Mai 2007
- 9782800413877
La constitution européenne est entrée avec fracas dans les boîtes aux lettres et dans les urnes.
Rarement auparavant l'europe avait nourri autant de conversations, de controverses et de conflits. rarement auparavant les citoyens européens avaient autant parlé droit, principes, valeurs et destin communs. rarement auparavant un texte de traité avait cristallisé autant d'espoirs et de craintes, suscité autant de prophéties et de prophylaxies, noué autant de " drames " et de " coups de théâtre ".
Ce " moment constituant " marque un élargissement sans précédent des cercles sociaux désormais intéressés à l'europe. plutôt que de s'essayer aux jeux des " leçons " à tirer d'un échec encore incertain ou des " remèdes " à apporter à une crise toujours ambiguë, sur les voies possibles d'une relance européenne toujours d'actualité, ce livre restitue le moment constituant pour lui-même, c'est-à-dire pour ce qu'il permet de comprendre des dynamiques et des transformations à l'oeuvre dans l'union européenne.
En analysant les élites, les mobilisations et les votes qui ont donné corps à ce moment d'europe singulier, les contributions de ce livre font ainsi le portrait des différents mondes sociaux européens saisis par la constitution. derrière le " ballet diplomatique " officiel, ces contributions suivent la trame et la chronologie mouvante et complexe des groupes et des enceintes où se discute et où se joue le sort de la constitution.
Au sein de la convention et des institutions de l'union européenne, bien entendu, tes premières investies dans la négociation et la rédaction du texte constitutionnel. mais aussi parmi les univers sociaux nationaux et internationaux les plus divers, à leur tour saisis par la dynamique de politisation de l'europe : les " eurosceptiques " et les " altermondialistes ", les militants catholiques et les militants socialistes, et les électeurs français.
Ces contributions retracent la genèse de réseaux transnationaux structurés autour d'enjeux aussi variés que la constitutionnalisation des traités, la société civile européenne, l'europe des régions, l'héritage chrétien ou la critique du néo-libéralisme. elles permettent enfin de mieux comprendre l'articulation des intérêts et des clivages, des opportunités et des investissements, bref la dynamique d'entraînement et d'intensification qui a fait de cette réforme institutionnelle un enjeu saillant.
La constitution européenne est un révélateur de la généalogie et de la géographie composite et conflictuelle des acteurs et des représentations qui font aujourd'hui l'europe.
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Politique de l'indépendance ; formes et usages contemporains d'une technologie de gouvernement
François Bastien, Antoine Vauchez, Collectif
- Pu Du Septentrion
- Espaces Politiques
- 3 Janvier 2020
- 9782757429488
Banquier central européen conduisant la politique monétaire, juge constitutionnel tranchant les hard cases de la démocratie, agence de régulation organisant la protection des données numériques ou la prévention des risques sanitaires, ou encore déontologue veillant à la probité publique des dirigeants politiques : depuis les années 1990, nos démocraties sont de plus en plus traversées par des acteurs qui tirent leur légitimité de leur extériorité revendiquée, voire de leur critique des carences de la politique représentative des élus et des gouvernants.
Cet ouvrage interroge l'étonnante ubiquité sociale de ce registre de « l'indépendance » qui s'est imposé comme une technologie politique tout terrain. En s'appuyant sur des contributions tirées de la sociologie, du droit, et de la science politique, il propose tout à la fois un inventaire et un cadre d'analyse historique et comparé de cette politique de l'indépendance qui redéfinit aujourd'hui les acteurs, les types de compétence, mais aussi les conditions d'exercice du pouvoir dans nos démocraties.