À l'origine du Parlement, il y a l'impôt. C'est pour donner son consentement à l'impôt qu'est apparu, au cours du Moyen Âge, en Angleterre, le Commun conseil. Plus tard, il se transformera en Parlement et étendra son contrôle aux dépenses.
L'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais l'Angleterre, « voisine d'aucun par la terre est devenue, au fil du temps, voisine de tous par la mer ». Son modèle, autant dire celui de la Grande-Bretagne puis du Royaume-Uni, qui unit indissolublement budget et Parlement, a essaimé à travers le monde. Il a été copié, adopté, imposé, sur près d'un quart de la surface de la terre, aussi bien dans l'hémisphère boréal (par exemple, le Canada) que dans l'hémisphère austral (par exemple, l'Afrique du Sud).
Mais ce modèle, dont l'originalité en matière constitutionnelle est indéniable, se singularise-t-il aussi en matière budgétaire ? Existe-t-il réellement un modèle budgétaire britannique comme il existe un modèle parlementaire britannique ? La réponse est oui. Des spécificités existent. Assez, tout au moins, pour apporter la preuve de « la possibilité d'une île ». Ou plutôt de la possibilité d'un archipel, tant ce système budgétaire s'est diffusé dans le monde.
Le budget du Gouvernement fédéral des États-Unis est le plus important du monde. Pour l'année 2016, le président a demandé au Congrès un budget comportant 3 999 milliards de dollars de dépenses et 3 525 milliards de dollars de recettes.
Assez régulièrement, des crises accompagnent l'adoption de ce budget qui, dans les cas les plus extrêmes, aboutissent à un shutdown, c'est-à-dire à une fermeture temporaire de l'administration. Ces crises soulèvent une question essentielle : celle de savoir si la procédure budgétaire est encore adaptée à la situation des États-Unis ; si cette procédure n'est pas « cassée », pour reprendre l'expression en vogue aux États-Unis de « broken budget process », par le conflit exacerbé entre démocrates et républicains. La réponse ne va pas de soi car il se peut que les soubresauts qui accompagnent l'adoption du budget soient synonymes de vitalité de la démocratie et non de dysfonctionnement. Toute la singularité des États-Unis est là : avoir laissé le budget dans le champ du débat démocratique afin que le consentement aux recettes et aux dépenses demeure une réalité. Ce consentement, le Congrès peut refuser de le donner.
Ramu de BELLESCIZE est maître de conférences à l'Université de Rouen (Normandie). Il a été visiting scholar à Wolfson College (Université de Cambridge, Royaume-Uni) et chercheur invité à Georgetown University (États-Unis).