Claire Levy Vroelant
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Les absents : Robert Creange, partisan de la mémoire
Claire Levy-Vroelant
- Creaphis
- Histoire Sciences Sociales
- 9 Février 2023
- 9782354281861
Le 16 août 1942, non loin de la ligne de démarcation, deux enfants cachés sur le bord de la route voient disparaitre leurs parents dans une voiture allemande. Robert et Françoise Créange, alors âgés respectivement de 11 et 13 ans, attendront en vain leur retour. Comment survivre à des questions qui n'obtiendront jamais de réponse ? Comment mener sa vie quand elle est précocement chargée d'un tel héritage ? Comment dire, comment raconter ? Et pourquoi, pour qui le faire ? Françoise Créange a déposé son témoignage au Mémorial de la Shoah en 1997, elle a accompagné son frère aux commémorations et aux cérémonies où il officiait, elle a relu ses discours sans pour autant développer son goût pour le souvenir. Robert, lui, en a fait sa raison de vivre. Il a fini par accepter, trois quarts de siècle plus tard, de raconter sa vie à une sociologue obstinée.
La sociologue se trouve être une lointaine parente de la famille Créange-Salomon. Cousine éloignée, d'une génération plus jeune mais nourrie des mêmes images, mêmes clichés, mêmes plaisanteries et mêmes silences face à un passé indicible. Une première intrigue se noue ici, dans la construction progressive, entre les deux protagonistes, d'un espace de paroles singulier. Parole courtisée, livrée dans le trouble et dans les pleurs, déclamée ou murmurée, qui se cherche sans toujours se trouver, parole traçante, glaçante, hilare, pudique, mutine, suivant le fil des souvenirs perdus et retrouvés et reconstitués. Car la mémoire n'en finit pas de travailler et, si comme Robert Créange, nous acceptons ses ruses et ses revirements, ses tyrannies et ses délices, c'est que nous continuons d'être vivants.
Né en 1931 et décédé en décembre 2021, Robert Créange s'est décidé à entreprendre ce travail de mémoire avec Claire Lévy-Vroelant seulement en 2015, après un long temps d'hésitation. Pour parler de l'enfant meurtri, de l'adolescent délinquant, du soldat révolté d'être envoyé en Allemagne pour son service militaire peu après la guerre, de l'instituteur anticolonialiste qui choisit le Niger, du jeune militant dévoué corps et âme au parti communiste, du cadre du comité d'entreprise de Renault-Billancourt, du secrétaire général de la fédération nationale des déportés internés résistants et patriotes (FNDIRP), de l'initiateur, avec quelques autres, de la Fondation des amis de la mémoire de la déportation, du pédagogue infatigable sur les lieux des crimes, l'histoire de sa vie pourrait suivre le cours d'un long fleuve sinon tranquille du moins apaisé.
Mais le récit parfois s'emballe, ou bute sur une énigme et les questions douloureuses resurgissent. Pourquoi le passeur a-t-il vendu les parents et pas les enfants ? Malgré les recherches après la guerre, il ne sera jamais retrouvé. Le souvenir du passage de la ligne de démarcation en août 1942 se brouille au point qu'une nouvelle version se fait jour. Nouveaux souvenirs, nouvelle intrigue. Pourquoi le grand-père, arrêté et interné à Drancy, n'a-t-il pas été déporté ? Le récit élude ou trébuche sur des dates, des noms, des scènes mais la liste des élèves de la classe de sixième du lycée Claude-Bernard, à la rentrée de septembre 1941, est restée gravée, indélébile.
Une enfance bourgeoise, protégée, une pratique religieuse fort modeste qui n'exclut ni l'engagement socialiste et franc-maçon du père, ni son « sionisme pour les autres », la montée des persécutions, la décision de quitter Paris... L'homme public qui aime jouer avec un humour de potache, qui maîtrise parfaitement la présentation de soi et l'art oratoire en privé comme en public, est pris de court lorsqu'il se trouve en situation de tête à tête. En allant au plus profond des choses, son récit tangue. Comment dire, raconter avec une extrême précision quand les souvenirs les plus lointains se transforment au fur et à mesure de leur mise en mots. L'épreuve est alors d'accepter que la mémoire puisse divaguer hors des sentiers battus et des images convenues : le témoignage change le témoin et celui qui l'écoute, silences compris.
Le récit se déroule selon un ordre chronologique mais chaque « chapitre » peut aussi se lire comme un fragment insulaire, intelligible en soi et pourtant relié aux autres. Récit en archipel d'une vie singulière, bouleversée comme tant d'autres, s'attachant aux traces, aux indices, aux petits signes. Le récit de la vie de Robert Créange est constellé d'anecdotes, relatées non sans saveur et sans humour mais il énonce dans un même élan une édification et une déconstruction de soi. Le maître mot de cette histoire, c'est la fidélité sans faille à un engagement tôt contracté. Ce récit peut aussi se lire comme une invitation à questionner sa propre histoire, ce qui lui donne sens et consistance -
Que valent des vies humaines ? Dans la nuit du 14 au 15 avril 2005, un hôtel meublé, géré par le Samu social, habité par des familles, la plupart originaires d'Afrique, flambait à Paris près des Galeries Lafayette. Vingt-quatre personnes, dont onze enfants, y laissent la vie. Il fallait en témoigner, ne pas laisser s'installer l'oubli.
En avril 2010, lors d'une rencontre commémorative dans le square de la Trinité, où s'élève la stèle portant le nom et l'âge des victimes, Aomar Ikhlef, porte-parole et fondateur de l'Association des familles des victimes, et Claire Lévy-Vroelant, la sociologue des hôtels meublés, ont décidé du projet dans ses grandes lignes. L'épreuve des deuils, l'interminable marche de la justice, la solidarité, les espoirs et les combats, ne pouvaient être narrés, décrits, écrits, que par ceux-là mêmes qui les avaient vécus. Le désir de passer outre les formes canoniques de l'analyse sociologique a permis d'ouvrir un espace de parole dont ceux qui acceptaient de témoigner étaient entièrement les maîtres. Le pacte d'écriture a nécessité du temps, de la clarté et de la confiance. Enregistrés et réécrits, ces récits ont pris corps, dessinant des lignes de vie et de migration confrontées à la violence d'un système.
Fidèle aux objectifs de départ, ce livre témoigne du désir partagé de rendre publique une expérience extrême et de donner lieu et sens à une mémoire de l'événement. Quinze hommes et femmes racontent, cheminant à travers les mots pour exprimer l'indicible. Ces témoignages sont leur oeuvre, tissée à plusieurs mains.
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La guerre aux civils - bosnie-herzegovine 1992-1996
Claire Levy-Vroelant
- L'harmattan
- 26 Mai 1997
- 9782738452757
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Logements de passage - formes, normes, experiences
Claire Levy-Vroelant
- L'harmattan
- 1 Juin 2000
- 9782738492302
Il y a toute une gamme de " logements de passage ", où l'hébergé n'est pas chez lui, mais toujours chez un autre, que ce dernier soit un parent généreux ou contraint, un logeur, un gérant d'hôtel, une association, voire l'Etat directement. L'originalité de ce livre tient dans l'hypothèse que ce type de logement, qui existe de tout temps mais se recompose sans cesse, constitue une sorte d'envers du décor du logement ordinaire.
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Hôtels meublés à Paris ; enquêtes sur une mémoire de l'immigration
Céline Barrère, Claire Levy-Vroelant
- Creaphis
- Lieux Habites - Histoire Urbaine
- 8 Mars 2012
- 9782354280574
« Ce livre résulte d'un pari ambitieux : saisir les hôtels meublés parisiens comme des lieux de mémoire.
(.) À interroger habitants et hôteliers, l'oubli et le souvenir alternent dans un présent hanté de passé et d'avenir. Mais comment la mémoire pourrait-elle prospérer dans ces lieux alimentés par l'immigration, marqués par la domination et, bientôt, défaits par la destruction ou la réaffectation à d'autres fonctions plus lucratives ? (.) Nous sommes allées y voir de plus près, assurées du soutien des penseurs de la mémoire, ses théoriciens d'abord, historiens et sociologues, ses passeurs ensuite, écrivains et muséologues (.) L'imminence de la disparition des hôtels meublés et du milieu qu'ils constituent n'a pas peu compté dans notre détermination de pousser toujours plus loin une investigation pourtant interminable au sens premier du terme.
(.) Nous savions que l'hôtel meublé était le premier logement de l'étranger, qu'il vienne de la province voisine ou d'au-delà des frontières. Nous savions que le nombre d'établissements était passé, en trois quarts de siècle, de plus de 20 000 à moins de 800, de 230 000 chambres à un peu plus de 18 000. (.) Fortement marqué par le stigmate, l'hôtel, lieu paradoxal, est aussi objet d'idéalisation et de nostalgie.
Toile de fond de mythes et de légendes urbaines à travers la chanson, le cinéma et la littérature, il est aussi, de par les gens qui le traversent et l'habitent, le dépositaire de vies d'ici et d'ailleurs et, par là même, profondément ancré dans l'urbanité de la capitale : des lieux de culture en d'autres termes. (.) Les histoires de migration qui y ont eu cours ont pour le moment une existence faible au sein des causes mémorielles entendues, mais elles existent dans les récits des hôteliers et des clients comme dans les textes littéraires qui s'y rapportent.
»
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Une chambre en ville ; hôtels meublés et garnis à Paris, 1860-1990
Alain Faure, Claire Levy-Vroelant
- Creaphis
- 3 Mai 2007
- 9782913610958
Ce gros livre (plus de 500 p.), très documenté, est le résultat de recherches menées par Alain Faure, historien du XIXe siècle, et Claire Lévy-Vroelant, sociologue et démographe. Il raconte l'histoire méconnue d'un secteur du logement populaire à Paris : les " garnis ", maisons et hôtels meublés destinés aux salariés et aux ouvriers les plus modestes. Au XIXe siècle, l'habitat en hôtel meublé, dans des conditions le plus souvent précaires, voire sordides, répondait aux besoins de logement d'une population de migrants français ou étrangers, en majorité jeune, pauvre, masculine, à la recherche d'un emploi dans la grande ville. Malgré la politique de construction des logements sociaux (HBM des années 1930, HLM après 1945), le logement en garnis a perduré. Aujourd'hui, ce système d'habitat est en train de disparaître complètement dans Paris intra-muros, et est résiduel en banlieue. La ville n'est pas pour autant plus accueillante aux plus pauvres, à un moment où la spéculation immobilière impose sa loi. Certains drames de l'année 2005 (incendie de l'hôtel Paris-Opéra), ont de nouveau attiré l'attention sur les rares hôtels non dévolus au tourisme.
Cette recherche rigoureuse sur 130 ans d'histoire ne peut qu'apporter des éléments de réflexions aux décideurs d'aujourd'hui de la politique du logement à Paris et dans la région parisienne.
Cet ouvrage s'inscrit parfaitement dans la ligne éditoriale de Créaphis, qui cherche à contribuer à l'histoire et à l'histoire urbaine, politique et sociale des XIX° et XX° siècles en France et en Europe.
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La ville en mouvement : habitat et habitants
Eva Lelièvre, Claire Levy-Vroelant
- L'harmattan
- Villes Et Entreprises
- 3 Mai 2000
- 9782738414434
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Le logement social en Europe au début du XXIe siècle ; la révision générale
Claire Levy-Vroelant, Christian Tutin
- Pu de rennes
- Geographie Soci
- 3 Juin 2010
- 9782753510814
Cet ouvrage analyse les transformations du logement social dans l'Union européenne au cours des trois dernières décennies. La politique du logement offre une excellente illustration de la difficulté à définir et à promouvoir un « modèle social européen » et le constat est celui d'une « révision générale » : missions, modes de financement et gouvernance. Au-delà de la distinction désormais classique entre modèles résiduel, généraliste et universaliste, il en ressort que les évolutions récentes vont parfois à l'encontre de certaines idées reçues.