La psychanalyse a-t-elle encore des choses à dire ? À une époque où les études de genre, les analyses de Foucault et les mouvements LGBTQI+ ont inventé d'autres perspectives en matière de genre et de sexualité, comment peut-on encore parler de l'Oedipe, de l' envie de pénis , de la différence des sexes ? Près de cent cinquante ans après son invention par Freud, soixante-dix ans après sa relecture par Lacan, la psychanalyse peut-elle prendre en compte les évolutions sociales sans être dénaturée ?
Certains psychanalystes s'érigent en experts de la vie psychique , en détenteurs des normes sexuelles et sociales : ils considèrent l'homoparentalité, la PMA ou la transidentité comme des symptômes du règne de la toute-puissance de l'individu. Selon eux, Foucault, Butler, Bourcier, Preciado ne comprennent rien à leur discipline et, pire, la dé?gurent.
Pourtant, Freud puis Lacan ont eu à coeur de laisser la psychanalyse ouverte à la réinvention : elle est un champ et une pratique traversés par les sciences, la culture et les mouvements de chaque époque. Si elle souhaite se réinventer et renouer avec ses origines subversives, la psychanalyse pourrait aujourd'hui dialoguer avec les théories féministes, les études queers et les mouvements trans, et se laisser instruire par d'autres expériences érotiques et politiques. C'est en redevenant une théorie critique et inventive, à l'affût des nouveaux savoirs et pratiques, que la psychanalyse peut renouer avec l'émancipation.
« Les poètes et les romanciers sont de précieux alliés et leur témoignage doit être estimé très haut, car ils connaissent, entre terre et ciel, bien des choses que notre sagesse scolaire ne saurait encore rêver », écrivait Freud.
Les impressions analytiques que propose ici Laurie Laufer, à partir de différentes oeuvres, parlent des épreuves de la vie : le deuil, la mélancolie, la mort. Ces oeuvres ouvrent des traversées dans notre rapport à l'image et au corps. Elles peuvent nous soulever, nous offrir des formes d'émancipation. Si la cure analytique déplace le sujet, défait les certitudes, déconstruit les identités et les identifications, lire Mallarmé, Gary, Perec, Van Gogh, Chloé Delaume et Simone de Beauvoir permet aussi d'emprunter des chemins de traverse. Les oeuvres d'art et les livres sont ici des amis qui murmurent à l'oreille de la psychanalyse. Jean Genet avait bien compris que « l'avenir est à Freud ».
Où en est la psychanalyse aujourd'hui ?
Ces lettres dessinent un état du champ freudien inséparable, pour le meilleur comme pour le pire, de « l'effet Lacan » et des retombées de son enseignement, en France autant qu'à l'étranger.
Elles sont signées de psychanalystes (élèves ou détracteurs), dont des proches de la première heure, mais aussi de personnalités scientifiques ou artistiques venues d'autres horizons.
On peut y voir une forme inattendue de manifeste, une relance du gai savoir lacanien, qui s'autorisait toutes les formes de propos et d'arguments pro et contra, des plus loufoques aux plus sérieux, des plus littéraires aux plus théoriques.
Auteurs : Jean Allouch, Paul Audi, Jorge Banos Orellana, Fethi Benslama, Daniel Borrillo, Danièle Brun, Chloé Delaume, Christian Dunker, Eric Fassin, Frédéric Gros, Lewis Kirshner, Etienne Klein, Gloria Leff, Guy le Gaufey, Lucrèce Luciani, Paola Mieli, Bertrand Ogilvie, Anne Onime, Barbara Osorovitz, Jacques Roubaud, Moustapha Safouan, Jacques Sédat, Daniel Sibony, Christian Simatos, Marie-Claude Thomas, Alain Vanier, Catherine Vanier, Mayette Viltard, Anonyme.
Le traumatisme du deuil a créé une rupture dans le temps et l'espace psychique et cette rupture participe de l'énigme du deuil. Comment faire le deuil d'une ombre, de ceux dont on ne se souvient pas ? Peut-on faire le deuil d'une ombre ? En redonnant un corps au disparu-fantôme, en redonnant aux morts la possibilité d'être représentés sur la scène du langage, l'analyse serait le passage qui permettrait au sujet de vivre avec la perte plutôt que de vivre dans la perte.
Table des matières
Préface de Marie-José Mondzain -- Introduction : La mort irreprésentable -- Le deuil traumatique -- Retrouver une mémoire corporelle par le transfert -- Les temps du deuil
I -- L'irreprésentable : 1 -- "Travail" du deuil ou énigme du deuil ? 2 -- L'événement traumatique 3 -- Le deuil social
II -- Le deuil, une histoire de fantômes : 1 -- Comment reviennent les morts ? 2 -- Le deuil, une traversée hallucinatoire de l'angoisse
III -- Processus de symbolisations : 1 -- Fantasmes et destins du fantasme 2 -- Paroles du deuil, paroles de transfert
Conclusion -- Bibliographie
Michel Foucault a entretenu avec la psychanalyse une liaison tumultueuse, faite d'attraction et de rejet. Fasciné par l'oeuvre de Freud dans laquelle il reconnaît la rupture essentielle qu'elle représente avec la psychiatrie et la médecine de la fin du XIXe siècle, le philosophe devient, à partir des années 1970, résolument critique. Dispositif disciplinaire contrôlant les corps et les désirs, discours normalisateurs et non réflexifs, voilà ce que représente dès lors la pratique analytique pour Michel Foucault. En quoi la critique foucaldienne de la psychanalyse peut-elle être, aujourd'hui encore, utile ? Et, inversement, quels déplacements épistémologiques la méthode foucaldienne peut-elle attendre de la psychanalyse ? C'est dans ces deux démarches complémentaires que s'engagent les contributions de Jean Allouch, Paul-Laurent Assoun, Thamy Ayouch, Joël Birman, Roland Gori, Christian Hoffman, Laurie Laufer et Amos Squverer. Cet ouvrage collectif fait émerger la complexité de la rencontre entre Michel Foucault et la psychanalyse, mais montre également combien les questions et la méthode foucaldiennes peuvent être utiles à une psychanalyse open to revision, selon l'expression de Freud.
À l'heure où la psychanalyse se renouvelle, les questions autour du genre enfoncent un coin de la théorie psychanalytique pour tenter d'en éprouver l'acuité clinique. Le statut social et idéologique de l'enfant, les enjeux autour des bloqueurs de puberté sont, entre autres, source de vives tensions dans le débat social et scientifique d'aujourd'hui, au point de créer un sentiment de confusion. Le dialogue direct, simple, spontané et vivant entre les psychanalystes Laurie Laufer et Serge Hefez, soutenu par le trio scientifique - Florian Houssier, Dominique Mazéas et Amos Squverer - qui organise notre nouvelle collection « Expériences psychanalytiques », témoigne d'un besoin de renouvellement théorico-clinique comme de certaines clarifications nécessaires pour sortir de l'idéologie clivante qui s'empare de ce sujet brûlant. En passant par la théorie comme par la clinique, les deux auteurs font vibrer la représentation d'une psychanalyse qui n'aurait de cesse de faire émerger une véritable ouverture du champ de nos représentations.
Attraper erôs dans le filet du logos, l'Occident n'a pas attendu la psychanalyse pour s'y employer. Entre les aphrodisia grecs et le dispositif de sexualité moderne, il ne restait plus à Foucault qu'à déposer une dernière pièce au puzzle de son Histoire de la sexualité : que s'est-il passé au temps de la concupiscence chrétienne et du péché de chair ? Comment le sexe en est-il venu à polariser le rapport de soi à soi ?
« Il m'a semble´, écrit Foucault, que la question qui devait servir de fil directeur était celle-ci : comment, pourquoi et sous quelle forme l'activité´ sexuelle a-t-elle été´ constituée comme domaine moral ? » À qui sont destinés les aveux ? De quoi libèrent-ils ? Quel sujet moderne l'expérience de la « chair » dans le christianisme a-t-elle contribué à construire ? Les Aveux de la chair jettent le trouble dans une « histoire de la sexualité » qui s'avère faussement linéaire et sollicite tout autant philosophes, historiens, spécialistes de la littérature et psychanalystes.
Classiquement, dans l'histoire de la philosophie, les affects ont toujours été compris comme la part de l'involontaire dans l'existence humaine : le sujet les subirait dans une passivité totale. En croisant les regards contemporains de linguistes, sociologues, psychanalystes, philosophes et anthropologues, cet ouvrage entend changer cette approche simpliste et réductrice, notamment en proposant une généalogie de l'illusion d'indépendance du sujet vis-à-vis de ses affects.L'enjeu est de ressaisir au présent les trajectoires des affects. Car ceux-ci ne peuvent pas être appréhendés ni auscultés en faisant abstraction de l'environnement où ils émergent. C'est depuis un certain état des corps, du social, à partir de l'expérience contemporaine du travail, des mobilisations et des résistances et des actes de parole que l'on peut analyser et comprendre les courbures affectives d'un sujet, et c'est par là que ce sujet affecté peut apprendre à faire usage de toutes les ressources de son affectivité.
Avec les contributions de : Thamy Ayouch, Éric Bidaud, Emma Breton, Valérie Brunetière, Julien Chandelier, Patrick Cingolani, Catherine Cyssau, Octave Debary, Julie Alev Dilmaç, Anne Eon, Marie-Luce Gélard, Christian Godin, Élise Huchet, Laurie Laufer, Guillaume Le Blanc, Lucile Richard, Ouriel Rosenblum, Jan Spurk, Federico Tarragoni, Ayça Yilmaz Deniz.
Il s'agit ici de traiter de l'acte de penser, de dire son rêve de créer. Il s'agit avant tout du travail de la parole. A écrire ainsi "Penser", "rêver", "créer", nous prenons le risque de figer une discontinuité entre ces trois formes de travail psychique. L'ensemble de ces articles tente d'explorer des zones de continuité et de contacts entre ces trois formes de travail du psychisme.