«- Zazie, déclare Gabriel en prenant un air majestueux trouvé sans peine dans son répertoire, si ça te plaît de voir vraiment les Invalides et le tombeau véritable du vrai Napoléon, je t'y conduirai.- Napoléon mon cul, réplique Zazie. Il m'intéresse pas du tout, cet enflé, avec son chapeau à la con.- Qu'est-ce qui t'intéresse alors?Zazie ne répond pas.- Oui, dit Charles avec une gentillesse inattendue, qu'est-ce qui t'intéresse?- Le métro.»
Tanka L'autobus arrive Un zazou ´r chapeau monte Un heurt il y a Plus tard devant Saint-Lazare Il est question d'un bouton Cette brcve histoire est racontée quatre-vingt-dix-neuf fois, de quatre-vingt-dix-neuf manicres différentes. Mise en images, portée sur la sccne des cabarets, elle a connu une fortune extraordinaire.
C'est là justement que le 29 mars 1957 j'étais en train d'absorber le 5372ème croissant de mon existence (je ne m'y suis mis que tard au croissant, avant mes moyens ne me permettaient que la mie de pain, lorsque - mais tout d'abord je dois compléter les renseignements que je fournissais tout à l'heure quant à mon alimentation : ces moyennes ne comprennent pas le samedi, car le samedi je fais la fête. Je me permets le sucre, l'amidon, l'acide iodhydrique, l'anhydride sulfureux, etc...
Toutes choses que je me refuse dans le courant de la semaine.
Depuis le groupe surréaliste - qu'il quitte en 1929 et dont il retient la conjugaison de la fantaisie débridée avec la construction rigoureuse - jusqu'à l'Oulipo - où il entre en 1961 poussé par la volonté d'échapper au flou de l'inspiration - toute l'oeuvre de Raymond Queneau, infatigable lecteur, infatigable curieux, est traversée par l'humour et la cocasserie, truffée de trouvailles littéraires qui sont l'effet d'une réflexion sur le langage. Amateur de calembours, citations, pastiches, parodies ;
à la fois romancier, satrape, poète, chansonnier scénariste ou peintre, Queneau distille dans ses textes nombre d'allusions autobiographiques, souvent indirectes ou voilées : déjà en 1937 dans Odile il est permis de deviner le récit de la rupture avec Breton.
Ma vie en chiffres rassemble ses tentatives autobiographiques inédites, sérieuses ou pas...
D'abord sous la forme d'une ode aux mathématiques où tout est prétexte aux pirouettes algébriques, où l'«eggsistence» du narrateur est rythmé par le comptage obsessionnel (du nombre d'heures travaillées à la quantité de croissants ingérés), puis sous celle d'une fiction avortée, l'Autobiographie trafiquée : tout décrit une existence banale finalement perturbée par la folie créatrice.
La verve de Raymond Queneau, oscillation permanente entre rêve et réalité, entre littérature et langue parlée, ne se sépare jamais de cet humour savant voué à nous régaler. Le Collège de 'Pataphysique dont il fût membre aux côtés de Boris Vian ou Max Ernst n'est pas loin : chaque texte est une mise en pièce de la vision traditionnelle et élève, plein d'espiègleries, un regard nouveau sur le monde.
Voici un hors-série unique dans la collection Le Monde / rue des écoles des Connaissez-vous ? Il s'agit en effet d'un numéro spécial sur Paris, réalisé à partir du texte de Raymond Queneau, initialement publié par Gallimard.
« Je croyais assez bien connaître Paris, mais, en étudiant la question, je m'aperçus que non seulement je ne connaissais pas Paris, mais que peu de personnes pouvaient prétendre à cette connaissance. » Avec trois questions par jour pendant plus de deux ans - soit plus de deux mille questions ! -, Raymond Queneau a exploré Paris : d'où vient le nom du pont d'Arcole ? Il y a dans Paris un pavé de bronze. Où se trouve-t-il ? Quelle est la voie de Paris la plus étroite ? À quelle époque fut créé le Jardin des Plantes ? Où peut-on voir la « maison d'Héloïse et Abélard » ?
Ouvrage réalisé d'après les maquettes de Massin. Nouvelle édition en 1982
Raymond Queneau, Philosophes et voyous Une bonne partie de la drôle de guerre, je l'ai passée dans un dépôt avec des rebuts de l'armée française : infirmes, invalides, incapables, communistes, anarchistes, oubliés, cinglés, égarés. On y buvait beaucoup, du vin rouge principalement. (...) Que je fusse un intellectuel, cela stupéfiait mes camarades. L'un d'eux me demande un jour ce que je faisais dans la vie ; embarrassé, je lui réponds : professeur (c'était pas vrai). De quoi ? De philosophie (pas vrai, non plus, mais enfin : j'ai un diplôme). Ah ! ah ! Le camarade me toise avec sympathie et, se souvenant des bons kils de gros rouge que nous avions vidés ensemble, conclut : « C'est vrai, je l'avais toujours pensé que tu étais philosophe. »
Engagé volontaire pour cinq ans, Valentin Brû, au bout de ce temps, n'est encore que soldat de deuxième classe. Il se laisse alors épouser par une mercière de Bordeaux, demoiselle d'âge mûr. Vers 1936, un héritage les amène à Paris; Valentin vend des cadres pour photographies, tandis que sa femme se met à exploiter secrètement des dons, plus ou moins authentiques, de seconde vue sous le nom de Mme Saphir. Mais Valentin n'est-il pas lui-même un peu prophète? Il attend la guerre pour le lendemain, et la guerre finit par arriver; elle le surprend dans des circonstances bizarres et c'est dans des circonstances non moins singulières qu'il retrouve son épouse après l'exode. C'est à propos de la peinture hollandaise et de ses scènes de «naïve gaieté et de joie spontanée» que Hegel parle de «dimanche de la vie», et il ajoute:«Des hommes doués d'une aussi bonne humeur ne peuvent être foncièrement mauvais ou vils.»
Queneau n'est pas un romancier comme les autres. Il l'est si peu qu'on ne pense pas toujours spontanément à lui comme à un romancier, bien qu'il ait publié treize romans. Peut-être est-ce dû à son parti pris du rire et du jeu, à sa volonté d'amuser le lecteur et de s'amuser lui-même. Queneau ne serait-il pas un écrivain sérieux ? Le ton drolatique qu'il adopte a pu parfois dissimuler les autres facettes de sa personnalité de romancier : sa volonté d'être le témoin du monde et de l'histoire de son temps, ou son besoin de donner figure par l'imaginaire à des interrogations existentielles. Il est non moins vrai que l'on trouve au coeur même de ses romans des orientations moins évidemment «romanesques» : par certains côtés, Queneau reste surréaliste malgré sa rupture avec le groupe de Breton ; il est aussi philosophe, et en particulier un philosophe de la langue et des mathématiques ; et il est passionné d'anthropologie, de psychanalyse, d'histoire des religions - sans parler de son attirance, sans doute moins connue, pour le gnosticisme et l'ésotérisme.
TDepuis qu'elle avait vu un homme écrasé, vers les cinq heures de l'aprcs-midi, devant la gare du Nord, Mme Cloche était enchantée. Naturellement elle disait qu'elle n'avait jamais vu une chose plus horrible que ça ; et il devait en etre ainsi, car le pauvre Potice avait été soigneusement laminé par un autobus. Par une série de hasards soigneusement préparés, elle se trouva assise, vers la meme heure, en face du meme endroit, ´r la terrasse d'un café qu'une bienheureuse codncidence avait justement placé l´r. Elle commanda-t-une camomille, et patiemment, attendit que la chose se renouvelât.t
Queneau n'est pas un romancier comme les autres. Il l'est si peu qu'on ne pense pas toujours spontanément à lui comme à un romancier, bien qu'il ait publié treize romans. Peut-être est-ce dû à son parti pris du rire et du jeu, à sa volonté d'amuser le lecteur et de s'amuser lui-même. Queneau ne serait-il pas un écrivain sérieux ? Le ton drolatique qu'il adopte a pu parfois dissimuler les autres facettes de sa personnalité de romancier : sa volonté d'être le témoin du monde et de l'histoire de son temps, ou son besoin de donner figure par l'imaginaire à des interrogations existentielles. Il est non moins vrai que l'on trouve au coeur même de ses romans des orientations moins évidemment «romanesques» : par certains côtés, Queneau reste surréaliste malgré sa rupture avec le groupe de Breton ; il est aussi philosophe, et en particulier un philosophe de la langue et des mathématiques ; et il est passionné d'anthropologie, de psychanalyse, d'histoire des religions - sans parler de son attirance, sans doute moins connue, pour le gnosticisme et l'ésotérisme.
Mézalor, mézalor, késkon nobtyin ?
On obtient cent mille milliards de poèmes (mais pas les vies pour les lire), et les autres, qu'on connaissait déjà et qu'on va pouvoir relire avec ce qui nous reste de vie, et aussi trois cents poèmes inédits - que, forcément, on ignorait - et puis des chansons, et aussi des souvenirs, avec - pour couronner le tout - quelques étonnants textes surréalistes. On le peut dire autrement : ce volume procure l'ensemble de la poésie publiée par Raymond Queneau, à quoi on a ajouté tous les poèmes épars publiés en revues et ceux que - les jugeant, pour diverses raisons, impropres à la publication - il avait conservés dans ses cartons. À cet ensemble, on a adjoint quelques textes - difficilement classables - qui, à un titre ou à un autre, relèvent de la fonction poétique. Ajoutons qu'on trouvera dans l'appareil critique de nombreux extraits du Journal, en grande partie inédit, de Raymond Queneau.
TCe silence, cette nuit, ces rues étroites, tout disposait Pierrot ´r ne penser ´r rien de précis. Il regardait ´r droite, ´r gauche, comme pour accrocher quelque part ses petites curiosités, mais ne trouvait rien - tout au plus les enseignes, et qui ne valaient pas les billes de l'avenue de Chaillot. Il songea un instant ´r visiter le bobinard de cette sous-préfecture, mais il ne rencontrait personne pour le renseigner. Finalement il se perdit. Il traversait maintenant une petite banlieue ouvricre, avec des manufactures ici et l´r. Plus loin, Pierrot atteignit une route assez large, avec un double liséré d'arbres, peut-etre nationale ? peut-etre départementale ? Il marcha encore quelques instants.
Il entendit tout prcs de lui un grand cri, un cri de femme, un cri de peur.t
TSoleils ambulants, Chambernac et Purpulan se promenaient dans la campagne, l'un lent et lourd, l'autre sifflant l'air d'une baguette et décapitant les fleurs. Le sentier filait le long d'une pente, entre champs, jusqu'´r la route nationale. L´r le proviseur s'assit dans un petit abri érigé par les soins de la compagnie des Autocars de la Région Mourméchienne. Purpulan mit son pied sur une borne, s'accouda sur son genou et regarda les autos qui gazaient sur la belle ligne droite qui leur était offerte.
- Le soleil, dit Chambernac, le soleil ce sera le point central. C'est le centre du systcme. Excrémentiel, satanique - qui donc a jamais pu concevoir cela ? Qu'en pensez-vous, Purpulan ?
Purpulan ne daigna répondre.
- Enfin, dit Chambernac, vous devez bien en savoir quelque chose.
Purpulan mima l'ignorance, comme décidé ´r laisser l'autre monologuer.
- Comment, reprit Chambernac soudain résigné ´r l'ignorance sur ce chapitre peut-etre prétendu de la démonologie, cette opinion a-t-elle pu naître ?
Purpulan témoigna par un geste qu'il s'en foutait royalement.t
"C'est en juillet 1942 que j'ai commencé d'écrire ce que je voulais intituler, en m'inspirant de Desargues : Brouillon projet d'une atteinte à une science absolue de l'histoire. Si je publie aujourd'hui ce texte bien qu'inachevé (et dont je n'ai changé que le titre), c'est, d'une part, parce qu'il me semble fournir un supplément d'information aux personnes qui ont bien voulu s'intéresser aux Fleurs bleues ; de l'autre, parce que, même si l'on estime nulle sa contribution à l'histoire quantitative, on pourra toujours le considérer, au moins, comme un journal intime". Cet essai de Raymond Queneau, écrit sous l'Occupation, est une méditation d'allure mathématique sur l'Histoire. L'auteur livre ici une réflexion sur les malheurs de ce temps, donnant ainsi une résonance toute particulière à cette première phrase : "L'Histoire est la science du malheur des hommes".
Après des années de beau temps ininterrompu, il se met à pleuvoir des années et des années. Les habitants de la Ville Natale finissent par s'agacer et acceptent une curieuse méthode pour faire revenir le beau temps, méthode conseillée par Jean, un de leurs compatriotes, retour de l'étranger, accompagné de sa soeur, Hélène, ancienne séquestrée et peut-être simple d'esprit.
Aux amateurs curieux d'explorer plus avant d'autres aspects de la personnalité de Raymond Queneau, et de son oeuvre, nous présentons avec ce court texte inédit et inachevé une facette peu connue (oubliée ?) et pourtant récurrente et non négligeable de sa production littéraire, ancrée dans un " art de l'illusion " dérivé, semble-t-il, de la pratique du surréalisme et de Fantômas.
On a crowded bus at midday, the narrator observes one man accusing another of jostling him deliberately. When a seat is vacated, the first man takes it. Later, in another part of town, the man is spotted again, while being advised by a friend to have another button sewn onto his overcoat. Exercises in Style retells this apparently unremarkable tale ninety-nine times, employing a variety of styles, ranging from sonnet to cockney to mathematical formula. Too funny to be merely a pedantic thesis, this virtuoso set of themes and variations is a linguistic rustremover, a guide to literary forms and a demonstration of imagery and inventiveness.>