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Depuis l'enfance, une question torture le narrateur :
- Qu'as-tu fait sous l'occupation ?
Mais il n'a jamais osé la poser à son père.
Parce qu'il est imprévisible, ce père. Violent, fantasque. Certains même, le disent fou. Longtemps, il a bercé son fils de ses exploits de Résistant, jusqu'au jour où le grand-père de l'enfant s'est emporté : «Ton père portait l'uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud ! » En mai 1987, alors que s'ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille aux archives départementales du Nord. Trois ans de la vie d'un « collabo », racontée par les procès-verbaux de police, les interrogatoires de justice, son procès et sa condamnation.
Le narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire d'un « Lacombe Lucien » mais il se retrouve face à l'épopée d'un Zelig. L'aventure rocambolesque d'un gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversé la guerre comme on joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a porté cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois déserteur de quatre armées différentes. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine.
En décembre 1944, recherché par tous les camps, il a continué de berner la terre entière.
Mais aussi son propre fils, devenu journaliste.
Lorsque Klaus Barbie entre dans le box, ce fils est assis dans les rangs de la presse et son père, attentif au milieu du public.
Ce n'est pas un procès qui vient de s'ouvrir, mais deux. Barbie va devoir répondre de ses crimes. Le père va devoir s'expliquer sur ses mensonges.
Ce roman raconte ces guerres en parallèle.
L'une rapportée par le journaliste, l'autre débusquée par l'enfant de salaud. -
« L'idée de Sam était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé.
Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, petit théâtreux de patronnage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne... » -
« En 1977, alors que je travaillais à Libération, j'ai lu que le Centre d'éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer allait être fermé. Ce mot désignait en fait une colonie pénitentiaire pour mineurs. Entre ses hauts murs, où avaient d'abord été détenus des Communards, ont été « rééduqués » à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins. Les plus jeunes avaient 12 ans.
Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés.Tous ? Non : aux premières lueurs de l'aube, un évadé manquait à l'appel.
Je me suis glissé dans sa peau et c'est son histoire que je raconte. Celle d'un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d'un fauve né sans amour, d'un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues. » S.C. -
Mon Traître est l'histoire d'Antoine, luthier parisien qui découvre l'Irlande des violons. Il ne sait rien du Nord. Peu lui importe. Ses héros sont archetiers, grands luthiers de légende. La guerre n'est pas encore passée par lui puis, un jour, elle s'impose. Antoine va devenir Tony, pour les gens de Belfast, parce qu'il les verra vivre et souffrir et se battre. Et qu'ils l'aimeront en retour comme un fils. Et puis il y a Tyrone Meehan. L'Irlande est sa bataille. Il boit, il chante, il vous enlace, il vous prend le bras pour parler en secret. Il est engagé à jamais, sans que jamais rien ne le trahisse. Il est l'insoupçonnable. Tyrone donc, l'ami d'Antoine, son frère, son traître à lui. Tyrone n'est pas Denis (le personnage réel qui a inspiré Tyrone). Leurs regards se ressemblent pourtant. Sorj Chalandon n'est pas Antoine, leur douleur est pourtant la même. Denis Donaldson a été exécuté le 4 avril 2006, alors que Sorj Chalandon écrivait l'histoire de Tyrone Meehan. Il a été tué par une arme de chasse, dans le petit cottage familial qui le cachait. Nous ne savons pas qui tenait le fusil. Personne n'a été accusé ce jour.
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« Mon père a été chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur d'une Eglise pentecôtiste américaine et conseiller personnel du général de Gaulle jusqu'en 1958. Un jour, il m'a dit que le Général l'avait trahi. Son meilleur ami était devenu son pire ennemi. Alors mon père m'a annoncé qu'il allait tuer de Gaulle. Et il m'a demandé de l'aider.
Je n'avais pas le choix.
C'était un ordre.
J'étais fier.
Mais j'avais peur aussi...
À 13 ans, c'est drôlement lourd un pistolet. » S. C. -
Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L'IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes que je n'ai même jamais rencontrés. Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j'en suis venu à trahir. Des livres seront peut-être écrits sur moi, et j'enrage. N'écoutez rien de ce qu'ils prétendront. Ne vous fiez pas à mes ennemis, encore moins à mes amis. Détournez-vous de ceux qui diront m'avoir connu. Personne n'a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd'hui, c'est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu'après moi, j'espère le silence.Killybegs, le 24 décembre 2006 Tyrone Meehan
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« Venge-nous de la mine », avait écrit mon père. Ses derniers mots. Et je le lui ai promis, poings levés au ciel après sa disparition brutale. J'allais venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, parti en paysan. Venger ma mère, esseulée à jamais. J'allais punir les Houillères, et tous ces salauds qui n'avaient jamais payé pour leurs crimes.
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Jeanne est une femme formidable. Tout le monde l'aime, Jeanne.
Libraire, on l'apprécie parce qu'elle écoute et parle peu. Elle a peur de déranger la vie. Pudique, transparente, elle fait du bien aux autres sans rien exiger d'eux. A l'image de Matt, son mari, dont elle connaît chaque regard sans qu'il ne se soit jamais préoccupé du sien.
Jeanne bien élevée, polie par l'épreuve, qui demande pardon à tous et salue jusqu'aux réverbères. Jeanne, qui a passé ses jours à s'excuser est brusquement frappée par le mal. « Il y a quelque chose », lui a dit le médecin en découvrant ses examens médicaux. Quelque chose. Pauvre mot. Stupéfaction. Et autour d'elle, tout se fane. Son mari, les autres, sa vie d'avant. En guerre contre ce qui la ronge, elle va prendre les armes. Jamais elle ne s'en serait crue capable. Elle était résignée, la voilà résistante. Jeanne ne murmure plus, ne sourit plus en écoutant les autres. Elle se dresse, gueule, griffe, se bat comme une furie. Elle s'éprend de liberté. Elle découvre l'urgence de vivre, l'insoumission, l'illégalité, le bonheur interdit, une ivresse qu'elle ne soupçonnait pas.
Avec Brigitte la flamboyante, Assia l'écorchée et l'étrange Mélody, trois amies d'affliction, Jeanne la rebelle va détruire le pavillon des cancéreux et élever une joyeuse citadelle. -
Après avoir été journaliste à la Voix du Nord, Marcel Frémaux est devenu biographe familial. « Toute vie mérite d'être racontée », disent ses publicités, et c'est pour cela que ses clients se confient à lui. Il les écoute, met en forme leurs souvenirs, les rédige puis fait imprimer un livre destiné aux amis ou au cercle familial. Un matin, Lupuline Beuzaboc se présente au biographe. Tescelin, le père de Lupuline, ancien cheminot du Nord de la France, était un Résistant, un partisan de l'Armée des ombres. Dédaigneux des hommages, il n'a raconté sa bravoure qu'à sa fille. Alors, pour ses 85 ans, Lupuline veut offrir à son père les mémoires de son combat. Elle veut ramener son passé glorieux en pleine lumière. Le vieil homme est réticent. Embarrassé. En colère même de tout ce tapage. Et puis il accepte. Marcel Frémaux va s'atteler à cet ouvrage avec passion. Pierre Frémaux, son père, fut un Résistant. Comme le vieux Beuzaboc, un partisan de l'Armée des ombres, silencieux et dédaigneux des hommages. Mais son père n'a jamais rien raconté. Et il est mort, laissant son fils sans empreinte de lui. En écoutant Beuzaboc, c'est son père que le biographe veut entendre. En retraçant sa route, il espère enfin croiser son chemin. Mais rien ne se passe comme il le pensait. Et plus Beuzaboc raconte, plus le doute s'installe. C'est par une poignée de mains, que le biographe et le vieil homme avaient scellé leur pacte de mémoire. Ensemble, ils franchiront les portes de l'enfer.
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Nous sommes en Mayenne, une maison à l'orée d'un village. Dans cette maison, voici Etienne et Fauvette, un vieux couple qui n'a jamais cessé de s'aimer. La maison est silencieuse. Les volets fermés et la porte close.
Nuit et jour pourtant, ils sont sept qui en franchissent le seuil. Sept amis, les uns après les autres, du dimanche au lundi, chacun son tour et chacun sa tâche. Il y a le bosco, ancien marin qui tient le bar du village, il y a Madeleine qui, chaque semaine, fleurit la maison, il y a Berthevin qui allume et éteint toutes ses lumières, il y a le professeur qui dit des poèmes à voix haute, il y a Ivan, l'ancien cheminot, ui ouvre les fenêtres, il y a Léo qui traverse le village à vélo, puis Paradis enfin, qui remonte la petite horloge.
Au grenier, comme une sentinelle, une lampe ancienne veille au cérémonial.
Voici l'histoire d'une promesse. La promesse faite à Etienne et Fauvette. Une promesse d'enfance, tenue par sept amis, pour déjouer le plus grand des périls. Ces hommes ont juré de tromper la mort. Et voici qu'un jour, ils renoncent. Ils cessent leurs visites à la vieille maison. Parce que le temps passe. Parce que la lassitude. Parce qu'au grenier, la veilleuse attend que deux âmes lui cèdent.
Voici l'histoire d'une fraternité. -
Jacques Rougeron a douze ans, l'âge où les mots s'enchaînent pour rien, hurlés sous le préau de l'école ou murmurés à la table du père. Jacques Rougeron regarde jaillir ces mots sans pouvoir en attraper aucun. Jacques Rougeron est bègue. Il est bègue, mais le petit Bonzi, son ami, lui dit qu'une herbe magique existe, qui peut le guérir de son mal. Qu'elle existe chez les Indiens, très loin, mais aussi à Lyon, chez lui, et qu'il n'a qu'à goûter ce qui pousse dans la ville, sur les murs, entre les pavés, sur l'écorce des arbres, au pied de son immeuble, même. En attendant sa guérison, le petit Bonzi lui explique comment être respecté à l'école et aimé à la maison. A l'école, il n'a qu'à dire que son père a brusquement disparu de la maison. A la maison, il n'a qu'à prétendre qu'une épidémie de peste s'est abattue sur l'école...
Nous sommes le dimanche 29 novembre 1964. Entre deux bouchées d'herbe, Jacques Rougeron raconte que son père a disparu et que la peste décime ses copains. Il sait que dans cinq jours, ses parents ont rendez-vous avec Manu, l'instituteur. Que tout sera découvert. Cinq jours. Cinq jours hors d'haleine pour devenir grand. Cinq jours avec le petit Bonzi à ses côtés. Le petit Bonzi, son ami, son presque frère, sa part de secret, son ombre. Bonzi, celui qui le regarde maintenant se jeter dans le piège.