Après le réveil du volcan islamique, la question des religions n'est plus un sujet bateau. Ou alors, gare au sens des mots...et parlons de la ligne de flottaison comme métaphore de ce livre.Il s'agit du navire où s'embarquent les générations humaines pour la traversée, avec toujours la même boussole: pourquoi vivre? Une langue de bois exporte le vieux mot latin « religion », passe-partout qui permet à l'Occident de s'imaginer en guide universel de la navigation.Nous ne voyons pas que nos propres expériences accumulées sont embarquées avec chaque cargaison de passagers.Les traditions sont stockées dans la partie immergée du navire, sous la ligne de flottaison. Sur le pont, dans la partie émergée, nous apercevons l'horizon, le ciel et la terre d'aujourd'hui, nous subissons les vents, les tempêtes du présent.Mais le passé qui a rendu possible l'aujourd'hui? Il nous porte, comme les profondeurs de l'océan soutiennent le bateau.Cette loi est le lot universel. Si les autres existent, cela veut dire qu'ils ne sont pas nous. Eux aussi trimbalent dans la soute les bagages d'un passé qui les tient. Ils savent manier la boussole « pourquoi vivre? ». Ils usent d'autres mots, d'autres rites et d'autres liturgies que les nôtres pour prévenir le naufrage.
Conférence donnée par Pierre Legendre à l'École des Chartres.
« Cet écrit accomplit un voeu : qu'à la tombée du jour je conquière de m'entendre avec le destin. Ici, il ne s'agit pas du fardeau existentiel, mais de l'ardeur issue de mon lot originel : une passion de s'aventurer n'importe où, pour tâter du pourquoi ? qui fait se mouvoir la marée des générations humaines.Je me suis donc laissé aller à la légèreté d'une libre association. Le temps n'efface rien, il refoule pour désencombrer le présent. (...) » P.L.
À mi-chemin entre l'homme et Dieu, l'ange n'a pas cessé de fasciner l'imagination des poètes et des peintres - et d'épuiser celle des théologiens. Intelligences créées, mais sans corps matériel, ils sont le paradigme de la ré? exion pure. Comment s'y prennent-ils pour communiquer entre eux? Et pour communiquer avec les humains, dans leur fonction de messagers divins? Pour chanter en choeur, quelle est leur musique? À quoi peuvent-ils bien s'occuper? Où se trouvent-ils? Ils ne partagent ni l'éternité divine, ni la contingence humaine. Dans quel temps (et quelle durée) vivent-ils? Et quelle connaissance ont-ils des mathématiques? Au xviie siècle, quand la cosmologie baroque et les exigences de la rationalité moderne se croisent, ces questions ne solli- citent plus seulement les théologiens. Elles quittent le cloître pour s'adresser aux savants. Et l'enjeu redoutable se lit alors sur l'envers du décor? Quelle place accorder aux démons et autres puissances infernales? Déchus sans doute, mais anges quand même. À l'interface de deux mondes, celui de l'intemporel et celui du temporel, les anges évoluent sur une scène magique, peuplée par les rêves des hommes, car « nous sommes faits de la même matière que les rêves » (Shakespeare).
Les nobles idéaux, l'émancipation des genres humains, le droit à la morale, ou, plus prosaïquement, le mélange du gratin et des nouilles, sont des tâches plus ardues qu'il n'y paraît. Le peuple a beaucoup déçu les artistes et autres intellectuels éclairés. Et réciproquement. La trahison est claire. Il en est des luttes, du progrès et des Lumières, comme de la gastronomie, des goûts et des douleurs : les modes varient. Société des égos, conjuration des nigauds, guerre des Gaules : qu'il s'agisse d'éducation, de réseaux sociaux, d'économie, d'Europe, de géopolitique, en théorie tout se passe bien. Au royaume des idées, les faits n'ont pas d'importance. On croit ce qu'on désire. Nous nous payons de mots sur le « toutlemondisme », le multiculturalisme et la gastronomie républicaine, fusion des saveurs du monde. Le Bleu-Blanc-Rouge ne rassemble plus. Les fins de moi.s sont difficiles et la communauté réduite aux aguets. Le 'modèle français' n'abuse plus personne mais le mythe fait de la résistance. Imperméable au volontarisme de Droite, insensible au réalisme de Gauche, indifférent au centrisme du Centre, en marche, au galop, sur un yacht, en pédalo, en paddle, en Ehpad, le French model traverse les quinquennats, les crises, les idéologies, les virus, les réchauffements, droit comme un hic, à quatre pactes, sous perfusions et antidépresseurs. La start-up nation, le stand-up cosmique, les réponses à tous et réinventions permanentes, brouillent le message jupitérien, nuisent à la verticalité des Deux Corps du roi. Postures, prélatures, poutures, forfaitures... Les défaites sont rarement étranges et toujours prévisibles.
Guillaume Henri Dufour, quel homme !Issu d'une famille genevoise, mais devenu presque français, il se présente avec succès au concours de l'École Polytechnique. Il s'y fait de nombreux amis, y développe sa capacité de raisonnement mathématique, sa curiosité scientifique, son art du dessin et de l'écriture. Affecté à Corfou comme officier du génie, il y vit ses premières expériences du commandement.Mais la chute de Napoléon l'oblige à des choix. Il s'installe à Genève où il devient un ingénieur réputé, entraînant la ville dans des travaux d'urbanisation judicieux et exerçant fonctions politiques et militaires avec modestie.À partir de 1830 la Confédération helvétique charge Dufour de fonctions qui dépassent de beaucoup le cadre cantonal. Il prend ladirection de l'École nationale d'offi ciers, lance avec méthode le grand chantier de la carte topographique suisse et, lors de la crise du Sonderbund, accepte la responsabilité des opérations militaires avec intelligence, avant d'organiser le retour de la paix avec humanité. Restant toujours disponible pour son pays, il jouera encore un rôle capital dans la création de la Croix Rouge au côté de Henry Dunant et avec le soutien de Napoléon III qui fut son élève.Pour raconter cette vie, Christian Marbach (polytechnicien X56) partage la plume avec les chats de Dufour. Non contents de participer à la vie de la famille, à Genève ou à Montrottier, ils guident Dufour à Paris comme à Corfou ; ils savent trouver les informations dont il a besoin et l'aident à préciser sa pensée par leur dialectique malicieuse. L'attention qu'ils portent à la vérité historique ne les empêche pas de prendre parfois le ton de la légende.