Cette édition d'Un Coup de Dés est la réimpression exacte de la mise en page originale conçue en 1897 par Stéphane Mallarmé, précédé d'une préface de David Mus et d'une "Observation relative au poème" écrite par Mallarmé pour la revue Cosmopolis qui publia la première version d'Un Coup de Dés jamais n'abolira le Hasard.
Cette édition qui reprend la composition qu'il réalisa pour la revue Cosmopolis (avant le projet d'édition Vollard de 1897, projet abandonné après la mort soudaine de l'auteur en 1898) a été établie à partir des jeux d'épreuves de la revue, en tenant compte des corrections de Mallarmé. Pour la première fois, toutes les pages du livre se trouvent imprimées dans les caractères choisis par l'auteur et il est enfin possible, plus de 100 ans après sa conception, de voir et de lire le "Coup de Dés" tel que Mallarmé voulait qu'il fût, "dans sa mise en scène spirituelle exacte", sans dissocier le fond de la forme ni l'esprit de la lettre.
Écrits en 1922 à Muzot, dans le Valais, en « quelques jours de saisissement immédiat » et conjointement aux dernières Élégies de Duino, auxquelles ils sont jumelés, les Sonnets à Orphée, sont une oeuvre magistrale et cristalline de Rilke. Après des décennies de traductions diverses, ils n'ont pas perdu un iota, ou un électron, de leur magnétisme, de leur puissance dionysiaque. Rilke affirme « le chant est existence » et son chant perpétue, en effet, une vibration lyrique de l'existence et de la pensée.
" c'était un petit pierrot bancal, grossier, mal peint, au regard ourlé de noir, au sourire de mystère et de mélancolie, une larme figée à son oeil gauche, un pantin à trois sous que l'on vendait dans les rues jadis.
Alors il sentit, en même temps que le pantin paraissait le fixer lui, et lui seul, comme il n'aurait pu fixer personne d'autre, même si des milliers, des centaines de milliers d'hommes et de femmes eussent été dans le même lieu, il sentit s'ouvrir dans sa chair une immense déchirure, comme si d'un coup et sous l'effet du regard de ce pierrot de bois, tout son être se fendait en deux, jusqu'à l'âme.
".
Parti - ou croyant être parti - de sa ville natale de morhàz, en transylvanie, pour atteindre la france, gregor h.
, navigateur terrestre, clandestin et solitaire, arrive enfin à morez, en franche-comté.
Il y découvre le sentiment d'être de retour à son point de départ. cette histoire, en forme de conte initiatique, interroge le voyage et la migration qu'il faut accomplir pour s'accomplir soi-même.
Ce livre est une litanie des manques. Ces manques sont lourds de signification ; d'une part ils nous font rêver et penser sur le trajet d'écrivains, de musiciens et de peintres que nous admirons, d'autre part méditer sur le fait que tout s'efface de siècle en millénaire, ce qui nous place, nous lecteurs, dans une position de grande fragilité. Enfin et surtout, cet éloge d'oeuvres disparues se change en oeuvre nouvelle, invente son rythme propre, nous enveloppe, comme si ces "unités" disparues avaient dans l'absence, la singulière vertu d'insuffler leur beauté dans l'âme de celui qui les évoque, même aussi fugitivement.
Acier chauffé puis travaillé.
Sous la masse monstrueuse du martinet, sous la danse régulière du mécanisme par l'eau entraîné, sous les coups non moins réguliers des marteaux à bout de bras. Ce mouvement-là avec le rebond sur les enclumes pour reposer l'avant bras. Hommes-bras, hommes-troncs, honunes-machines usant leur corps tout entier. Hommes sourds dans le vacarme de la forge entendue à des kilomètres à la ronde. Hommes de fer, hommes de feu, mi-hommes, mi-démons jouant avec les flammes, dansant dans les étincelles, tutoyant sans doute, à l'écart du monde, en autarcie, le diable.
Fureur, chaleur, fumée montant au ciel et peut-être la voix tonitruante de ceux-là pour mieux domestiquer le monde, les éléments. Pour d'un éclat étaler le fer, n'en faire qu'une fine tranche d'acier coupant.
Eberhard Häfner est né en 1941. Il vit à Berlin. Il est écrivain et sculpteur, publie de la poésie, invente des girouettes métalliques qui ne marquent la direction d'aucun vent et d'aucun lieu.
dans ce nouvel essai, michel butor s'arrête devant l'une des peintures majeures de l'oeuvre d'eugène delacroix " la prise de constantinople par les croisés ", et nous livre son regard curieux, passant et repassant ainsi la frontière des genres entre littérature et peinture.
michel butor nous éclaire sur les personnages, le lieu, les objets qui composent ce fameux tableau de delacroix daté de 1840, décrivant la croisade détournée sur constantinople et dont les croisés firent le siège.
parmi les artistes du nord qui, depuis le tournant du dernier siècle, ont enrichi de leur sensibilité spécifique l'aventure de l'art moderne, edvard munch brille toujours d'un sombre éclat.
par son "esthétique du vécu", héritée de son expérience au sein de la "bohème de kristiana", il a impitoyablement mis en scène son profond sentiment d'angoisse devant la finitude. aussi a-t-il déroulé sa frise de la vie dans cet espace de déception oú l'âme bascule sur le monde. mais avec la violence expressive de la couleur qui en accentue le vertige, et qui fera de lui un modèle pour la jeune génération expressionniste.
dans cet ouvrage, gérard titus-carmel nous livre une pénétrante "rêverie critique" autour des principales icônes du grand norvégien. oú la maîtrise de la langue, alliée au savoir du peintre. nous fait pénétrer dans une ouvre qui interroge la destinée humaine au vif de la peinture. autant qu'elle questionne dans ses retombées notre commun récit de mourir.
Les corps d'hommes ou de femmes nus ne se rencontrent pratiquement jamais dans la vie habituelle - sauf en quelques situations remarquables liées à l'amour, à la maladie, à la solitude, à la folie, à la mort, et cette énumération suffit à donner toute sa force au concept du corps nu.
L'image que chacun de nous a du corps nu - le sien ou celui de l'autre - est une image ultime, variable, malléable, une création de l'esprit et du désir, un concept presque abstrait (tellement il est chargé d'affectivité) propre à chacun de nous. Bien sûr chacun choisit - ou ne choisit pas - l'image qu'il souhaite donner de lui-même et du monde. Pour moi, le corps mis en scène, théâtralisé par l'espace vide et clos du tableau, est l'image qui me permet d'exprimer avec violence et de la façon la plus directe les sentiments et les désirs conscients et inconscients qui m'habitent et que je ne saurais traduire autrement que par ces images.
Images que je laisse à d'autres le soin d'interpréter entre l'érotisme, l'obscène, la pornographie, mais aussi la tendresse, la pitié et le sacré.
Jean-Michel Meurice et Paul Louis Rossi sont de fidèles amis qui se retrouvent régulièrement pour concevoir ensemble expositions et livres de bibliophilie. Cet ouvrage est le récit d'un parcours personnel à travers un univers artistique qui se dévoile ici dans toute sa profondeur. Paul Louis Rossi s'est rendu sur les lieux qu'a fréquentés l'artiste, entre Bages, Lille, Alger, Paris et le Japon, afin d'en livrer un portrait sensible.
Tout en s'attachant à témoigner de l'une des oeuvres les plus considérables du mouvement Support-Surficce, l'auteur offre une vue originale sur l'art de Jean-Michel Meurice, situé à la croisée du cinéma et de la peinture.
Des demeures inspirent l'écrivain et font chacune l'objet d'un récit. Le livre est ainsi composé de cinq nouvelles d'une quinzaine de pages écrites dans un style vif mêlant poésie et réalisme. Les nouvelles sont chacune illustrées par une photographie de Louis Venot.
Transparaît, dans les images qui figurent, le regard de l'artiste sensible à la présence de ces habitations et de leurs occupants. L'écriture de Jean Libis fait de ces maisons le lieu de possibles retrouvailles avec le passé et les êtres qui les ont côtoyées.
Jean Libis sillonne le paysage de la mémoire. Certains lieux retiennent son écriture. Dans ces lieux, des histoires et des bribes d'existences résonnent silencieusement.
Maintenant, il est temps, tous les temps. La splendeur du monde a passé. Elle laisse en nous son témoin brûlant de lumière. Elle est si belle qu'elle en fait mal, mal comme un adieu. Devenue forme, elle reste et nous passons. Le tableau nous fait face, il a mal pour nous de toute la beauté regardée. C'est alors depuis le lieu de l'absence que nous voyons la vie. C'est le prix de la scène et la place qui nous revient. La place de bref invité qu'on attable à l'instant suspendu. L'art est-il cela ? La poésie prend ici quelques tableaux de Pierre Bonnard pour territoire. Loin de prétendre analyser, elle veut ici plutôt faire résonner les mots par l'émotion reçue de la peinture, et faire vibrer les toiles par les harmoniques issues du verbe. Elle tente aussi de s'entrevoir elle même, dans son geste de création, depuis le cadre offert par les oeuvres.
Peintre et poète, Gérard Titus-Carmel met en place un système formel à lu fois libre et logique qu'au cours de ces pages Gilbert Lascault décrypte et explore à rebours, allant de la plus récente série (La Bibliothèque d'Urcée, 2006 - 2009) jusqu'à l'une des plus anciennes (L'Usage du Nécessaire, 1972).
Ainsi, comme remontant le courant, l'auteur visite l'univers dûment tramé de l'artiste où les lignes et les motifs, les signes et les blasons autour de quoi se développent depuis des années ses suites et séries, sont autant d'arguments pour traiter de la seule peinture - et, bien sûr, du dessin, " qui en est son os ". Ainsi on dira que Gérard Titus-Carmel laboure son rêve. Qu'il est un fouilleur de ténèbres et de secrets.
Un chasseur d'oubli. Dans l'économie du tableau, comme dans l'exigence du poème, sa pensée pérégrine jusqu'à la forme, dans son évidence même. Ce qui s'appelle une odyssée. Une authentique méditation picturale, dit justement Gilbert Lascault, qui en dresse ici la géographie en en repérant les métamorphoses.
À supposer qu'on me demande ici de définir ce que j'entends par « portrait mosnérien », je répondrais en ne dégainant pas autre chose que la certitude du dessin comme art furtif et sériel, dont le à la six-quat'-deux de mon enfance a été heureusement relayé par les portraits de Stravinsky par Picasso ou ceux d'Aragon, en salve, par Matisse, mais en ajoutant que cette furtivité et cette sérialité ne signifient nullement l'impossibilité du renouvellement et de la différenciation ...
Jacques Jouet