Attribué à Pascal, le Discours sur les Passions de l'amour traite essentiellement de l'amour passion, conçu à la fois comme une émanation et un dépassement de la raison, ce qui n'est pas sans recouper maints Fragments des Pensées. Il est présenté ici sous la forme de huit chapitres suivis, rendant ainsi justice au terme de " discours " inscrit dans son titre.
Abordant l'épineuse question de la provenance d'un tel texte - qu'on considère, aujourd'hui, plutôt comme un apocryphe - la Préface, non moins que les Notes, en viennent à étudier ce Discours aussi bien dans son intertexte : les Pensées de Pascal, Les Passions de l'âme de Descartes, une brochure pirate intitulée L'amour de Jacques Lacan - que dans sa postérité : les Lettres de Julie de Lespinasse, De l'amour de Stendhal, Fragments d'un discours amoureux de Roland Barthes.
Robert Walser.
écrivain Suisse d'expression allemande, reconnu de son vivant par les plus grands - Franz Kafka, Robert Musil, Walter Benjamin - est " un de ces "artistes de la langue" tels que les définira André Breton ". Il se voue à incarner une sorte de poète moderne : " C'est pour moi une sorte d'écrivain pointilliste. Comme un kaléidoscope. Son univers est tout entier contenu dans chaque point. Cette fragmentation fait qu'il est à mes yeux l'un des écrivains majeurs du XXe siècle, du moins pour la littérature allemande ".
Philippe Lacadée fait le choix ici de ne pas tenter une " biographie " classique de cet homme si secret, si à l'écart du monde et autres, mais de la déduire de ses écrits. Ce sont les héros de Walser qui le présentent au monde. Lui-même ne se représente pas dans une mise en scène pour un Autre toujours improbable, mais se donne tel quel, dans une foule de détails, si singuliers, dont foisonne cette écriture d'apparence tantôt naïve, honnête et simple, tantôt si déroutante.
Robert Walser est dans son écriture, dans ce qu'il nomme son roman du réel, qui structure tous ses romans. Il est à partir du récit de ses héros que nous chercherons à déduire ce qu'a été sa vie. Dans cet essai, Philippe Lacadée montre que le poète, tout en devançant la psychanalyse, nous éclaire : son écriture miniature radicalise en quelque sorte les deux modes de l'écrit, soit le signifiant et la lettre, elle marque la distinction entre l'écrit qui ne parle que pour lui et le dessin de l'écriture miniature.
C'est un Walser avec Lacan qui nous est ici proposé et qui éclaire aussi bien le psychanalyste que le poète.
Pour tous les lieux de la terre : Dublin. Une histoire qui comprend l'ensemble des fictions qui furent ou qui seront racontées : l'Odyssée d'Homère. Un héros qui est tout le monde puisque son nom est : Personne.
Un jour, une ville, une histoire, un héros : personne vit les aventures de tout le monde en un lieu qui se situe nulle part comme il pourrait se trouver n'importe où, au cours de quelques heures aussi longues qu'un siècle et brèves autant qu'un instant.
Comme tous les grands artistes, de livre en livre, quel que soit le genre littéraire dont chaque nouveau texte simule l'apparence, Joyce n'écrit jamais que le récit de sa vie. Et s'il lui donne la forme d'un roman, c'est parce que cette forme seule est susceptible de contenir, d'accomplir et d'exténuer toutes les autres, et de permettre ce passage perpétuel de la vie au livre, du livre à la vie, mouvement de vases communicants qui est l'objet exclusif de l'opération à laquelle il consacre ses jours : lisant sa vie, vivant son livre, à mesure qu'il l'écrit.
Suivant de chapitre en chapitre le grand roman de James Joyce, Ulysse, Philippe Forest le considère à la manière d'un portrait réfléchissant le visage de l'auteur et celui du lecteur, la figure de personne comme celle de chacun.
Les textes critiques de Max Scheler sur le capitalisme, rédigés au printemps 1914 (avant le début de la Première Guerre mondiale) et inédits en français, occupent une place de premier ordre parmi les études concernant la genèse et la spécificité historiques du capitalisme. Dans le débat inauguré vers 1900 entre sociologues, historiens et économistes tels que Max Weber, Werner Sombart, Ernst Troeltsch et Lujo Brentano à propos des sources religieuses de l'« esprit du capitalisme », Scheler élabore une position aussi originale que méconnue. Dans un dialogue fécond avec les principaux représentants de la discussion académique et avec les différents courants du socialisme, il analyse notamment l'éthos du type humain qui, en tant que bourgeois et entrepreneur, a fait triompher le capitalisme industriel moderne. Le modèle de l'homo oeconomicus minimisant ses coûts et maximisant ses profits, qui sert de référence à la théorie économique depuis le xixe siècle, y apparaît comme le résultat d'un empoisonnement de la vie psychique des élites sociales, qui conduit à une distorsion pathologique de l'appréhension des valeurs.
« De l'art, nous avons à prendre de la graine. » disait Jacques Lacan. C'est ainsi qu'un partenariat s'est tissé entre le programmateur d'une salle de cinéma et quelques psychanalystes, et qu'une expérience s'est déposée, connectant deux champs du savoir et de la culture - cinéma et psychanalyse - qui eurent la bonne idée de venir au monde en même temps comme pour mieux se serrer les coudes face à notre dure modernité.
Regarder cette expérience comme dans un rétroviseur nous a conduits à nous entretenir avec des réalisateurs de talent ; à les entendre parler de leurs films et, à notre tour, à en proposer une lecture ; à y faire résonner l'existence de l'inconscient et ses conséquences ; à dégager l'impact des mots, ceux de la littérature et ceux de l'écriture, dans leurs univers cinématographiques.
Si, au même titre que les écrivains pour Freud, les réalisateurs de cinéma peuvent être « de précieux alliés » du psychanalyste, alors avec Benoît Jacquot, Pascal Bonitzer, sophie Fillières et mathieu Amalric - nous avions de quoi faire pour articuler la singularité de leur geste artistique et la psychanalyse que ce soit au niveau de l'écriture, de la réalisation, du montage ou du jeu d'acteur !
Cet ouvrage est construit autour d'un chapitre (texte original) de Judith Butler sur l'éthique de la non-violence.
En réponse se construisent quatre réfl exions philosophiques.
Mylène Botbol-Baum présente le collectif à partir de sa traduction du texte de Judith Butler, et aborde la question du sujet et de la norme à partir de la lecture butlerienne de Levinas et Arendt, sur la question des limites de la légitimité de la violence pour une éthique de la relationalité.
Jean de Munck traite une lecture croisée de Benjamin et Butler sur la violence.
Romildo Pineiro et Jose Erraruz off rent une lecture historique et politique du concept de violence et y confrontent l'interprétation de la non violence dans le texte de Butler.
Trois textes plus sociologiques suivent sur l'impact de la non-violence, dans une perspective qui vise à « défaire le genre » dans le cadre sociopolitique critique des vulnérabilités, dans le cadre du travail des femmes migrantes (Ghaliya Dejelloul) ou du travail domestique non rémunéré (Anna Safuta), à partir d'une enquête sur la mobilité spatiale des femmes dans les zones pré-urbaines d'Alger ou de Bruxelles, off rant une analyse sur l'hostilité masculine et le rôle du discours religieux dans la légitimation de cette violence.
Matthieu de Nanteuil conclut le volume sur la question de la violence et de la sensibilité politique en mettant à jour la théorie de la démocratie radicale chez Judith Butler.
Il sera donc question dans ce volume de penser la non-violence à partir d'une approche fondée sur la normalisation des corps, en réintroduisant le sujet de la vie comme interlocuteur critique du sujet de la norme en démocratie.
Les religions ont constitué le coeur de l'expérience humaine, la première forme d'organisation sociale et politique, une réponse aux mystères du monde et aux angoisses des hommes. Nous ne pouvons nous comprendre sans comprendre le religieux qui gît en nous, notre intelligence y est suspendue.
Le rêve de l'immortalité de l'homme et de l'éternité du monde ne se conçoit que dans un univers stable et immuable où la caution divine est garante de l'ordre cosmique. Sitôt que cet ordre s'est fi ssuré, le monde devient instable, incertain, il chancelle, l'homme, avec. Ce vacillement a pour nom la modernité. Comment le christianisme, le judaïsme et l'islam furent-ils confrontés à cette modernité ? À quelles transformations anthropologiques a-t-on assisté ? Quelles ont été les arrêtes saillantes, les butées, les avancées dans le rapport à l'histoire et au politique ? Pourquoi la modernité s'est-elle imposée en Occident plus que partout ailleurs dans le monde ? Pour y répondre nous devons interroger les diff érentes déclinaisons du théologico politique mais aussi les avancées de la science de la philosophie et des sciences humaines de manière générale qui ont transformé notre appréhension du monde et de nous-même. Le passage de l'hétéronomie à l'autonomie, de l'incarnation à la représentation, de la verticalité à l'horizontalité des hommes, du passé vers l'avenir a inauguré une liberté nouvelle, une autonomie de penser inédite. Une conscience nouvelle s'impose : plus nous avançons, plus nous nous éloignons de nous-même, plus augmente notre mystère, notre complexité, notre incommensurable humanité. À l'inverse, plus l'homme fait du seul passé, son présent, plus il est vulnérable, plus il n'est que ce qu'il a été.
Deux brèves observations de Freud suscitèrent l'intérêt de l'auteure pour la problématique de la relation entre Freud et le Judaïsme, question capitale et qui fut objet de tant d'études parmi lesquelles certaines sont devenues classiques dans le monde entier : l'une concernant l'incidence précoce de l'histoire biblique en la formation culturelle de Freud, l'autre reconnaissant l'une des sources fécondes à l'implantation de la psychanalyse comme étant la résistance face à l'isolement si propre à la minorité juive.
Le lecteur ici pourra se laisser surprendre par quelque chose de nouveau dans cette analyse critique de la relation entre Freud et la condition judaïque basée, entre autres, sur l'enseignement de Lacan et sur certains travaux de Derrida, Deleuze et de Lévinas. Betty Fuks réalise une étude psychanalytique originale dans laquelle il ne s'agit plus d'examiner le degré d'infl uence du Judaïsme sur Freud, mais de considérer la création même de la psychanalyse comme expression majeure de sa judéité.
Cette judéité s'exprime ici à travers deux facteurs spécifi ques et intimement liés :
D'un côté, l'exil du peuple juif, son nomadisme, son errance ; de l'autre, le mouvement erratique de la lettre, présente dans l'interprétation continue du Texte. Le point central de cette argumentation porte sur le rôle essentiel pour la découverte freudienne joué par les marques de l'exil et des exodes inscrites dans l'histoire du peuple juif et dans la pratique d'une lecture-écriture infi nie du « Livre des livres ». En somme, la judéité de Freud n'est pas perçue ici comme l'essence immuable d'une ethnie mais plutôt comme une construction, comme un devenir- juif pouvant être appréhendés lorsqu'on étudie la découverte même de la psychanalyse.
Ce roman vise à s'assurer que la littérature trouve aussi une place dans un genre - le voyage dans le temps - et sous une forme - texte en grands caractères, illustré - peu exploitée en dehors de la littérature pour la jeunesse.
Un homme s'endort à Bruxelles en 2012 et se réveille en 1995, 17 ans plus tôt. Il découvre qu'il a toujours le même âge que « la veille » mais qu'il n'a jamais existé.
Ni sa famille, ni sa femme, ni ses amis ne le connaissent. Sa fille, qui avait 18 ans en 2012, n'est donc jamais née. Sans argent, sans papiers, il part à la recherche de sa femme, âgée de 25 ans. À travers un quotidien bien réel - pas de célébrités - le personnage évoque sa propre culture des voyages dans le temps, et leurs poncifs, et mesure les changements intervenus en 17 ans.
Max Silvermann, 45 ans, s'endort chez lui le 10 janvier 2012 et se réveille le 13 septembre 1995. Il a toujours le même âge et découvre avec angoisse qu'il n'a jamais existé pour personne, ni pour sa soeur, ni pour sa femme, Goria, qu'il se met en quête de retrouver alors qu'elle a vingt ans de moins que lui. Comment exister ? Que faire de son savoir sur le futur ? Comment subsister sans identité, sans argent, sans personne ? Comment, surtout, survivre au « deuil » de sa fille Pauline, 18 ans en 2012, jamais née en 1995 ? Le changement d'époque, du coup, est vécu sur un autre mode que celui d'usage dans les histoires de voyages dans le temps. C'est que l'époque n'a aucune importance.
Un roman illustré, dont les images n'illustrent pas le texte.
« En 1958, commentant le premier roman d'un jeune écrivain, Aragon écrivait dans Les Lettres françaises : « Je n'ai jamais rien demandé à ce que je lis que le vertige : merci à qui me fait me perdre, et il suffit d'une phrase, d'une de ces phrases où la tête part, où c'est une histoire qui vous prend. Aucune règle, ne préside à ce chancellement pour quoi je donnerais tout l'or du monde. » Il y a beaucoup de choses qu'on ne peut pas demander à l'oeuvre d'Aragon. Il y en a beaucoup qu'on ne peut accepter d'elle qu'avec la plus haute prudence. Mais, quant au vertige, il n'est que peu d'écrivains qui aient su le susciter avec tant d'excès et de virtuosité. Il y a, pour parler comme Aragon, un « perdre- pied » propre à cette oeuvre et qui lui confère son mouvement frénétique, l'arrache sans cesse à ce qu'elle est, la sauve en somme d'elle-même. » Romancier et essayiste, Philippe Forest a également contribué à l'édition des oeuvres complètes d'Aragon dans la Pléiade dont le dernier volume paraît cet automne aux éditions Gallimard. Vertige d'Aragon constitue le sixième « épisode » du « feuilleton critique » qu'il publie aux éditions Cécile Defaut sous le titre emprunté à Joyce d'Allaphbed. Il rassemble les textes qu'il a consacrés depuis une vingtaine d'années à l'auteur du Mentir-Vrai.
Fin de l'histoire et fin de la métaphysique, fin de l'homme et fin de l'auteur.
La hantise de la fin aura été celle de toute une époque, peut-être de toutes les époques.
Deux philosophes, Jean-Luc Nancy et Federico Ferrari, issus de deux cultures, appartenant à deux générations, évoquent la question dans un texte en deux actes et à deux voix où, méditant sur la « fin des fins », la pensée interroge les conditions de son perpétuel passage et de son continuel recommencement.
« Peut-être n'y a-t-il aucun commencement ni aucune fin, et toujours un entre-deux, toujours un passage, un milieu qui n'est pas un lieu mais un élément où ça flotte entre un début et une fin qui n'ont jamais lieu.
Le commencement et la fin sont au milieu de tout, invisibles, rapides comme un double éclair obscur.
Ni commencement ni fin n'existent. Ce sont chaque fois des artefacts, des projections d'un besoin de fixer des bornes, de tenir des points fixes. En réalité tout a toujours déjà commencé et tout continue toujours à finir. »
La dernière publication d'Henri Raynal, COSMOPHILIE. NOUVELLES LOCALES DU TOUT (2016) rappelle l'importance et l'opportunité de la parole littéraire et philosophique d'Henri Raynal.
Sa pensée, luttant contre la réduction univoque du sens et de toute doxa, exerce contre les fastes du nihilisme une puissance que Breton eût dite « magnétique », fondée sur le sentiment de la dignité de notre condition, et de « l'honneur d'être ».
En des temps de turbulences voire de détresse, l'auteur nous propose donc de porter haut une culture de la vie qui en passe par la richesse de l'étonnement, la réhabilitation des apparences, l'admiration de la réalité sensible et intelligible.
L'émerveillement, loin d'être l'antithèse de l'attitude scientifi que, la fonde et la prolonge. À la gratitude pour la prodigalité du monde, répond la générosité du geste esthétique et poétique vécu comme témoignage en faveur de l'existence dans son immanence.
Ce livre, à son tour, témoigne de la façon dont la sagesse d'Henri Raynal est saisie dans une écriture singulière, volontiers métaphorique et hyperbolique. Il fait rayonner cette pensée de la chance de vivre ; il fait résonner l'espoir de « retrouver l'océan ». Sa richesse vient de la diversité des approches suscitées par l'oeuvre d'Henri Raynal, à la fois essayiste, poète et critique d'art. La contribution d'auteurs issus de divers horizons - littéraires, philosophes, sociologues, artistes - permet de donner la mesure de l'oeuvre, et de rendre hommage, dans un geste de contre-don, à cet écrivain de l'honneur et de l'apostolat.
De quelles douleurs, de quelles joies, de quelles nécessités, de quels combats font signe l'art de notre temps ? Telle est la question qui oriente cet essai à travers des chemins inattendus.
Au départ cette phrase de Jacques Lacan : toute action représentée dans un tableau nous y apparaîtra comme une scène de bataille.
Il y est question de la guerre - beaucoup -, du cynisme, du semblant et du réel, du théâtre, de Marcel Broodthaers et de bien d'autres artistes qui, chacun à leur manière, « déjouent le paradigme ».
Construit comme un puzzle, ce livre est à lire selon le même mode.
Philippe Forest perd sa fille unique, Pauline, d'un cancer à l'âge de quatre ans. Alors universitaire, critique littéraire et critique d'art, spécialiste de littérature comparée et des avant-gardes françaises, et selon son propre aveu sans désir de roman, c'est pourtant sur ce terrain qu'il s'engage pour surmonter le cataclysme du deuil. Se décrivant en position de veuf inconsolable (car il n'y a pas de mot, dans la langue, pour dire celui ou celle qui perd son enfant), il construit une oeuvre romanesque qui suit pas à pas sa propre vie : L'enfant éternel, Toute la nuit, Sarinagara, Le nouvel amour, Le siècle des nuages. Dans la mémoire des oeuvres de Roland Barthes, Victor Hugo, Stéphane Mallarmé, James Barrie, William Faulkner, William Shakespeare, Fiodor Dostoïevski et encore Kobayashi Issa, Natsume Sôseki, Kenzaburô Ôé, il interroge sans relâche le " désastre d'exister " qui nous contraint à vivre - à aimer - dans la conscience de la mort.
Au-delà de ce que nous connaissons déjà très bien, la mode japonisante de la fin du XIXe, qu'en a-t-il été du Japon dans l'art et la pensée en France tout au long du vingtième siècle ? En essayant d'écouter ce que certains artistes et penseurs de l'art (d'A Malraux à R Barthes ou J Roubaud) ont dit du Japon, en leur laissant la parole directement (de Cl Mouchard à M Ferrier, Ch Doumet ou Ph Forest), on essaie ici de répondre à cette question.
Mais on verra également se dessiner au fil des réponses proposées un deuxième enjeu, celui du rapport avec l'étranger, qu'il soit relativement proche ou parfois tenant de l'extrême étranger. Rapport qui suppose un effort de compréhension, mais qui implique également sans cesse du malentendu et du contresens. Il ne faut pas pourtant lire trop rapidement ici une critique, bien au contraire : il y a, selon la formule de Proust reprise par Ph Forest, une " beauté du contresens ", ce qui signifie qu'il faut savoir accueillir l'incompréhension parfois comme ce qu'il y a de plus riche dans le rapport à l'étranger, comme ce qui ouvre à la chance de nouveau parcours de pensée.
Ce journal de lecture est une histoire de têtes.
Celle de Mishima qui roule à terre quand il se donne publiquement la mort, après avoir terminé sa dernière oeuvre, La Mer de la fertilité. Le lecteur, en proie aux vertiges, y découvre des airs de famille, malgré l'étrangeté des personnages, de leurs réincarnations et changements de sexe. D'autres têtes reviennent à son insu, des caboches trouées qui sortent des tombeaux et défont peu à peu toutes les certitudes philosophiques.
Le journal change de cap, au fil de ce tête-à-tête morbide avec les extases érotiques et sanglantes de Mishima.
Alors que vient de se clore le 150e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques franco-japonaises, le japonisme fait toujours recette, comme le montrent les expositions ou les multiples ouvrages qui lui sont consacrés chaque année. Dans cette activité de qualité inégale mais vibrionnante, deux constats retiennent l'attention : tout d'abord, la plupart de ces manifestations concernent les arts plastiques et, par extension, l'artisanat ou l'architecture. Sur le japonisme en littérature, les travaux demeurent au contraire dans un état de friche et même de pénurie assez étonnant, surtout quand on le rapporte à l'abondante production critique dans les domaines précités.
Ce double paradoxe d'un japonisme florissant en peinture mais anecdotique dans les Belles-Lettres, moderne en arts plastiques mais périmé en littérature, me semble poser toute une série de questions importantes sur la façon dont en France on considère la littérature mais aussi dont on la pratique, sur le rapport aux langues étrangères, sur les relations centre-périphérie ou la place spécifique qu'occupe la littérature dans notre pays.
Ce livre voudrait donc d'abord suivre sur un siècle et demi la diffusion du japonisme dans la littérature française pour en esquisser un début de problématisation et en montrer l'importance aujourd'hui largement sous-estimée, à partir d'une vue d'ensemble (« La tentation du Japon chez les écrivains français ») puis de deux exemples spectaculaires et révélateurs quoique dans une certaine mesure diamétralement opposés (Georges Perec, Michel Butor).
Mais pour éviter l'un des pièges du comparatisme traditionnel (celui consistant à partir d'un pays-source ou pays-phare, «rayonnant» sur un autre pays), il voudrait également proposer de passer de l'autre côté du miroir afin de mieux saisir les transferts qui se sont accomplis, dans le même temps, mais dans l'autre sens.
Enfin, pour montrer la fécondité de ce questionnement, je voudrais étudier quelques figures de «passeurs», adeptes de migrances et/ou de métissages qui ne se réduisent pas à des métamorphoses identitaires, et qui ont, avant les autres, compris l'énorme ressource que constitue un regard pluriel ou hétérographique dans le domaine de l'écriture artistique comme dans celui de la réflexion philosophique.
Tout au long de son oeuvre, Mallarmé a pensé cinq choses distinctes mais intimement liées: la poésie d'abord (à partir d'une réflexion approfondie sur le langage) ; la musique (dont il compara l'essence à celle des Lettres dans un essai célèbre, tout en étant un assidu des concerts et des opéras, comme il ressort de ses réflexions sur Wagner) ; le théâtre (il consacra aussi bien à l'Hamlet de Shakespeare qu'aux représentations et aux acteurs de la scène parisienne de nombreuses réflexions) ; la peinture (il fut l'admirateur et l'ami d'Édouard Manet dont il commenta en laudateur les expositions) ; la politique enfin (sur laquelle débouche, à propos de chaque art mentionné, une part de ses réflexions, non négligeable, mais trop souvent négligée par ses lecteurs).Les textes de Mallarmé dans ces cinq registres, ici rassemblés, aident à mieux entendre et apprécier sa poétique, mais ils valent aussi pour eux-mêmes, d'autant plus que certains sont peu connus ou ne furent pas publiés de son vivant. Il en est proposé une sélection précédée d'une introduction.
Est-il possible et même souhaitable pour le cogito d'être réellement amoureux, si la rencontre et l'expérience amoureuses risquent de soumettre ses chères idées claires et distinctes à l'opacité et à la confusion des sentimentsoe mais que serait un cogito (c'est-à-dire chacun d'entre nous quand il s'essaie à penser la vie et sa vie) sans le regard aimant d'autrui dont il désire la reconnaissance et même la justification de sa propre existenceoe ne devient-il pas alors de plus en plus urgent de se le demander à notre époque de crise de la pensée et de l'action, en érotique comme en politique, allant jusqu'au nihilisme le plus profond et donc désespéréoe c'est dans une amicale conversation avec les anciens et les modernes, et à la croisée des principes de la philosophie et des révélations de la littérature, qu'une libre union de cogito et d'eros est ici recherchée.
Pendant l'été 1987, Marguerite Duras et Claude Berri évoquent la possibilité d'adapter pour le cinéma L'Amant (prix Goncourt 1984) et succès « mondial ». Filmées dans les studios de Claude Berri, ces discussions ont laissé des traces du plus haut intérêt : autour de ce projet, ce sont deux conceptions du récit, de l'image, du cinéma et de la littérature qui s'affrontent - dans la douceur, l'impatience, l'incompréhension parfois.
Parce qu'ils rendent raison très concrètement des mécanismes de la création littéraire et cinématographique, nous avons décidé de publier l'intégralité de ces échanges.
Le texte est présenté par un entretien avec le scénariste Jérôme Beaujour, ami et collaborateur de Marguerite Duras, qui avait participé aux échanges.
L'ouvrage réunit les textes théoriques de dix-neuf auteurs d'horizons divers (historiens de l'art, philosophes, littéraires) invités à mener une réfl exion en commun sur la façon dont la pensée philosophique peut imprégner le discours théorique des artistes majeurs de l'avant-garde russe. L'objectif central n'est certes pas d'amoindrir la portée de l'art en subordonnant celui-ci à la philosophie, ni non plus de l'amener dans le champ philosophique en lui assignant des buts similaires, mais bien plutôt de questionner le vocabulaire spécifi que qu'élaborent les artistes en lien avec un certain appareil conceptuel philosophique. Il est en eff et évident que des concepts comme « le spirituel », « l'abstrait », « l'infi ni », « la perfection », « la nature » ou d'autres encore sont fermement inscrits dans la tradition philosophique occidentale et ne peuvent en être si facilement détachés.
Questionner les systèmes d'art et de pensée élaborés par Kandinsky, Malévitch et Filonov, et, au-delà, comprendre comment s'articulent les écrits et l'oeuvre peint : telle est l'ambition de cet ouvrage. Car c'est pour la première fois dans l'histoire de l'art que le discours d'artiste s'élève à un statut théorique d'une telle importance, au point de prétendre à la construction d'une véritable ontologie de l'art (doctrine de l'abstraction).
Le présent volume réunit dix contributions de spécialistes, réunis dans la perspective d'éclairer le débat sur l'autisme, afin de construire un espace interdisciplinaire permettant d'écarter les prises de position idéologiques au bénéfice d'une recherche qui tienne compte de la complexité de la réalité à élucider. La pertinence des auteurs décentre le traitement de la question du domaine des querelles d'opinion pour l'orienter vers la construction de solutions, sans négliger que la seule efficacité acceptable est celle qui ne cède pas sur le respect des personnes concernées par leurs discours. La lecture de l'ensemble des textes permet de saisir l'importance d'un travail collectif dans l'élaboration de propositions nouvelles, aptes à contribuer à la mise en place des réponses aux questions posées dans un grand nombre de domaines de la vie des personnes autistes.
Ce volume présente une remarquable originalité et démontre que le croisement des discours peut aboutir à une avancée incontestable dans l'accompagnement des personnes autistes et de leurs familles. Ces contributions ont fait l'objet d'une présentation publique en septembre 2012, au Centre Régional de Documentation Pédagogique, à Grenoble.