Précurseur lors de sa première publication, en traduction française, de 1983, cet ouvrage demeure une référence trente ans après. Et ce qu'écrivait Georges Balandier dans sa préface à l'édition originale est toujours aussi pertinent : " Le présent ouvrage (...) donne une assise théorique à une méthode - celle des biographies - qui se situe désormais dans un champ épistémologique en complet bouleversement. Il considère la relation de l'Histoire aux multiples histoires individuelles...".
Après le lancement pionnier des histoires de vie au début années 1980, Franco Ferrarotti réalise ce qu'il a théorisé. Il met en culture autobiographique sa riche existence, quoi qu'il en dise. La traductrice de l'ouvrage Antonella De Vincenti, influencée par les travaux de Franco Ferrati lors de ses études en sociologie, a été heureuse de compléter sa connaissance de cet auteur.
Des livres pour vivre bibliomanie, bibliophilie, bibliophagie: autant de caractéristiques d'une passion effrénée qui a littéralement conditionné la vie de l'auteur, dévorant les livres dont la disparition programmée - mais toujours différée - occupe une place importante dans ses réflexions.
Cette histoire personnelle du livre est aussi un plaidoyer pour faire retrouver aux jeunes le plaisir de la lecture, rendre à l'étude sa signification originelle et étymologique de studium, c'est-à-dire d'amour, de passion, d'aventure. ce goût du livre s'avère d'autant plus essentiel que les nouvelles technologies de la communication et la globalisation menacent de substituer le sentiment d'être connecté au monde à la connaissance de soi.
La société et l'utopie.
L'auteur revisite dans une autobiographie lucide et pénétrante quelques lieux géographiques ou mentaux de ses itinéraires de vie et de travail, un parcours qui en a fait à la tais l'auguste père et l'enfant terrible de la sociologie italienne contemporaine. dans les années de la résistance et de l'après-guerre, jeune intellectuel débarquant à turin. ferrarotti rencontre l'entourage de la maison d'éditions einaudi et, adoubé dans le feu de l'action par cesare pavese, devient le traducteur et l'interprète de la culture idéologique américaine tandis qu'il essuie les traits fulminants que lui lance benedetto croce.
Survient alors une rencontre décisive avec la personnalité explosive d'adriano olivetti qui donnera naissance au laboratoire expérimental d'ivrée: un système oú usine et services sociaux, ville et territoire sont intégrés de tacon à illustrer la puissance d'accomplissement de l'utopie. lorsque le rêve d'ivrée se brise, au début des années 1960, c'est la rome des banlieues, avec son humanité marginale, qui deviendra le cadre de sa réflexion.
A partir d'une réflexion érudite sur l'épopée d'alexandre le grand, pris ici comme figure emblématique du cosmopolitisme plutôt que comme conquérant, le sociologue franco ferrarotti propose une réflexion sur les possibilités du multiculturalisme à notre époque de grandes migrations.
Des pistes sont ainsi dessinées pour une construction européenne harmonieuse et pour la prévention de nouvelles formes d'" épurations ethniques ".